Luxembourg, envoyé spécial
Pour un pays qui cherche à blanchir son image de paradis fiscal (lire l’épisode 2, « Opération blanchiment d’image au Luxembourg »), le procès LuxLeaks se révèle désastreux. Tout se passe comme si les autorités judiciaires et fiscales voulaient démontrer que le Grand-Duché est un État d’opérette, où les cabinets d’audit, et principalement PricewaterhouseCoopers (PwC), font la loi.
Après la journée d’audience de mercredi, au cours de laquelle le policier en charge de l’enquête avait reconnu que son travail avait consisté à aller chercher une clé USB chez PwC (lire l’épisode 5, « LuxLeaks : malaise au Luxembourg »), la quatrième journée du procès, vendredi, a permis d’apprendre comment le système de déclaration fiscale des entreprises avait été privatisé au profit de PwC. Notamment grâce à l’audition de Raphaël Halet, l’ex-responsable des archives du cabinet d’audit, jusqu’ici resté silencieux, au contraire de l’auditeur Antoine Deltour.
Pour les deux lanceurs d’alerte, ainsi que pour le troisième accusé, le journaliste Edouard Perrin, la question du fonctionnement de l’administration fiscale luxembourgeoise est d’importance. Afin d’obtenir des circonstances atténuantes, ils ont à cœur de démontrer que les pratiques fiscales du Grand-Duché, bien que légales, sont moralement scandaleuses. Mardi, la défense de Perrin avait ainsi fait citer comme témoin Marius Kohl, l’agent des impôts ayant signé les « rulings » (ces accords fiscaux avec l’État, dits aussi « ATA » pour « Advance Tax Agreements ») publiés par l’ICIJ. Kohl est un mystère. Il n’a parlé qu’une fois à la presse, en 2014, dans le Wall Street Journal, et depuis, il n’est apparu nulle part, refusant par exemple de répondre aux parlementaires européens qui voulaient l’auditionner dans le cadre de la commission Taxe 2. L’homme, qui a depuis pris sa retraite, n’est toujours pas prêt à sortir de l’ombre. Mercredi, il a fait transmettre au tribunal un certificat médical assurant qu’il était indisponible pour quatorze jours. En réaction, maître Philippe Penning, l’avocat de Deltour, a demandé jeudi à ce qu’on entende son supérieur hiérarchique, Guy Heintz, le directeur de l’administration des contributions directes.

Le directeur du fisc, lui, s’est bel et bien présenté à l’audience vendredi matin. Mais pas pour faire des révélations. Se retranchant derrière le secret fiscal
, le secret professionnel
et l’article 11 du statut des fonctionnaires
, il a refusé de répondre à toute question précise sur les rulings.