Ce lundi 18 mai, à Coblence, en Allemagne, des passants déambulent paresseusement sous le soleil de l’après-midi, profitant du relâchement progressif des restrictions sanitaires dues au Covid-19. Glaces, petit marché, musiciens de rue, les angoisses sanitaires semblent lointaines et la vieille ville a de faux airs de paradis estival. Au même moment, dans la salle d’audience 128 du tribunal, l’atmosphère est fébrile. Anwar Raslan, ex-colonel des services de renseignement syriens, va parler. Pour la première fois, en public, plus d’un an après son arrestation. Accusé de crimes contre l’humanité, le colonel n’a exprimé ni parole ni la moindre émotion depuis le début de son procès, le 23 avril dernier. Pas même quand le procureur a détaillé les accusations à son encontre, soit la responsabilité de la mort de 58 personnes et des tortures infligées à 4 000 autres dans le centre de détention d’Al-Khatib (lire l’épisode 5, « Au procès d’Anwar Raslan, “rouage d’une machine criminelle” »). Un stoïcisme qu’il ne quittera pas plus cet après-midi-là. Car c’est finalement par la voix de ses deux avocats que l’accusé fera sa déclaration, se contentant d’écouter ses mots prononcés par d’autres. « Mon nom est Anwar Raslan, né le 3 février 1963, de nationalité syrienne. Je suis de la région de Homs, de la ville de Houla… »
Pendant plus d’une heure et demie, Michael Böcker et Yorck Fratzky se relaieront ainsi pour lire cette longue profession de foi qui, en définitive, pourrait se résumer à une simple phrase : « Je n’ai pas commis les crimes dont on m’accuse. » Mais durant ces quelque 90 minutes, c’est autant sa version de l’histoire que le caractère d’Anwar Raslan qui se déploie.