Quand Nuran Al-Ghamian apprend, au détour des réseaux sociaux et des rumeurs de la communauté syrienne exilée, qu’Anwar Raslan vit à Berlin, elle suffoque de colère. « Je me suis demandé : “Comment est-ce possible ? Comment un homme pareil a-t-il pu trouver asile en Europe ?” » À quelques centaines de kilomètres de la ville suisse où elle s’est elle-même réfugiée. La dernière fois que ces deux-là se sont croisés, c’était à Damas, en 2012. Il était colonel, elle était détenue. Les années ont passé, mais quand elle replonge dans ses souvenirs, Nuran Al-Ghamian peine toujours à respirer. Et pourtant, aux Jours, elle raconte. L’arrestation d’Anwar Raslan, le 12 février 2019 (lire l’épisode 1, « À la recherche d’Anwar Raslan, tortionnaire syrien »), a ouvert les vannes. « Je pensais qu’il n’y avait pas de justice dans la vie. J’étais devenue pessimiste. Mais quand j’ai appris qu’il avait été arrêté, j’ai ressenti quelque chose de nouveau : de l’espoir. Et j’ai décidé de témoigner à son procès. » De lui faire face, dans cette salle d’audience du tribunal de Coblence, en Allemagne, où l’ex-officier est désormais jugé pour crimes contre l’humanité (lire l’épisode 5, « Au procès d’Anwar Raslan, “rouage d’une machine criminelle” »).
Nuran Al-Ghamian a 20 ans quand, au printemps 2011, des milliers de Syriens descendent dans la rue pour dénoncer les exactions d’une dictature qui n’a que trop duré.