«On est au-delà du crachat à la gueule, c’est un seau de vomi déversé sur nous. » La réaction est violente, sans filtre, à la mesure de l’affront ressenti. L’assemblée générale des salariés d’Europe 1 reconduisant la grève entamée vendredi jusqu’à ce mardi soir s’était à peine close que la nouvelle est tombée, de la bouche d’Arnaud Lagardère, par l’entremise de quelques propos du président du groupe dans Le Figaro, avant une interview plus nourrie annoncée pour ce mardi. La nouvelle, ou plutôt les nouvelles. Celle, largement éventée, de l’arrivée sur la grille d’Europe 1 de Laurence Ferrari, de CNews de 17 à 20 heures, pour un étrange triptyque : d’abord une heure de son émission Punchline sur la chaîne, désormais animée depuis les studios de la radio, suivie d’une heure d’information commune aux deux antennes, puis d’une dernière heure réservée à la station. Faut dire aussi qu’à cet horaire-là c’est Zemmour qui officie sur la chaîne info de Vincent Bolloré.
Arnaud Lagardère confirme aussi la venue à la matinale de Dimitri Pavlenko, jusqu’alors chargé du 6 h 30-9 heures de Radio Classique mais surtout chroniqueur de l’émission d’Éric Zemmour sur CNews. Le patron du groupe Lagardère confirme également dans Le Figaro qu’il prend les salariés de la radio pour des jambons : « Dire qu’Europe 1 passe sous la coupe de Vivendi, c’est un fantasme qui frôle le complotisme. » Et confirme enfin le peu de cas qu’il fait des journalistes d’Europe 1 en annonçant la nomination de Louis de Raguenel, venu de Valeurs actuelles, comme chef du service politique alors que la rédaction en avait fait un casus belli lors de son arrivée à la rentrée dernière.

Bref, de la provocation pure et simple, prise comme telle au sein de la radio en grève : « Lagardère ne vient même pas présenter la grille aux salariés, c’est du mépris total », enrage un journaliste. Pour Olivier Samain, délégué syndical SNJ, « le bulldozer est en marche, le fait d’avoir parlé pendant qu’on était en AG, c’est la méthode Bolloré à l’œuvre ». Le même poursuit : « Arnaud Lagardère, qu’on croyait être à la manœuvre, se montre comme le petit exécutant du rapprochement. » Un journaliste porte le coup fatal : « Le vrai mec mesquin et minable, dans l’histoire, c’est Lagardère. Il a sauvé sa tête, et il n’a même pas l’honnêteté de faire en sorte que les gens qui ont tenu sa radio puissent partir dignement. »
Malhonnêteté intellectuelle vis-à-vis des auditeurs et des journalistes grévistes dont on a diffusé les sujets.
Une allusion à la clause de conscience, qui permet aux journalistes de partir avec les indemnités légales prévues dans la convention collective en cas de changement de la ligne éditoriale.