De Grenoble
Haut plafond, larges tables et chaises bien espacées : c’est la cantine qui fait office de cathédrale pour la grand-messe des conseils de classe. Ce lundi à 18 h 30, celui des terminales G4 est le dernier de l’ensemble des niveaux du lycée Emmanuel-Mounier de Grenoble, clôturant officiellement le semestre. La fatigue est là en fin de journée, les masques et les distances diluent parfois les échanges entre les profs, mais il n’était pas question de faire l’impasse sur ce rendez-vous physique. Avec la crise sanitaire, les occasions de faire corps sont devenues peau de chagrin. Et le lycée grenoblois, où Les Jours suivent depuis 2019 la réforme du bac, ressemble parfois à un navire esseulé, où les « angoisses de brassage », dit le proviseur Joseph Sergi, ont corrodé l’« apprendre-ensemble ».
La difficulté à se projeter est épuisante moralement […]. Pour beaucoup de professeurs et d’élèves, c’est devenu : “Je viens et je m’en vais.”
À Mounier, la tempête du premier confinement s’est muée au fil des mois en un étrange ressac, charriant incertitudes au sujet du bac nouvelle formule et lassitude généralisée : « La difficulté à se projeter est épuisante moralement, les restrictions sanitaires et le fait d’avoir une vue à court terme ne permettent pas de maintenir les projets, regrette le chef d’établissement. Pour beaucoup de professeurs et d’élèves, c’est devenu : “Je viens et je m’en vais.” » Joseph Sergi aurait aimer maintenir la journée de la laïcité, le 9 décembre, pour réparer un peu le deuil avorté de l’assassinat de Samuel Paty (lire l’épisode 3, « “Il s’est fait décapiter pour un truc que je fais tout le temps” »). Fin octobre, le reconfinement a balayé cet espoir.
Une embellie à l’horizon : l’annonce le 21 janvier par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de l’annulation des épreuves du bac des enseignements de spécialité prévues mi-mars. Début novembre, il avait déjà acté la mort dans l’œuf des épreuves d’évaluations communes (les E3C), l’une des mesures phares de l’examen relooké (lire l’épisode 5, « “On fait notre maximum pour concilier l’éducatif et le sanitaire” »). Pour les spécialités, les résultats dans les deux matières conservées en terminale (contre trois en première) devaient compter pour 16 % de la note finale au bac. Ce sera toujours le cas avec leur évaluation en contrôle continu. « C’est un soulagement, il était urgent de prendre une décision ferme et définitive, juge Joseph Sergi, qui est passé expliquer la nouvelle dans les classes. J’ai insisté sur le fait que chaque note compte, ça permet de remobiliser les troupes. »
La terminale G4 semble avoir jusque-là tenu la barre, avec une moyenne générale de 12,31 sur 20.