De Grenoble
Il ne tient plus qu’à un brin ou presque. Si le baccalauréat était une nippe, ce pourrait être un pull devenu rêche et informe à force d’essorages malheureux. Depuis la rentrée 2019, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, s’est pourtant employé à vendre sa réforme tel un bel uniforme seyant à une école républicaine moderne. Mais un peu comme ces fringues autour desquelles on s’écharpe un jour de soldes, l’examen phare de la scolarité à la française s’est retrouvé tiraillé entre un corps enseignant éreinté et un ministre droit dans ses souliers vernis. Las, la crise sanitaire a fini par détricoter une à une ses mailles essentielles.
Bac de français annulé à la suite du premier confinement (lire l’épisode 15 de la saison 1, « Les cahiers au feu, le bac de français au milieu »), épreuves communes de contrôle continu (E3C) inaugurées dans la douleur et finalement enterrées (lire l’épisode 11 de la saison 1, « Contrôle continu : doit faire ses preuves »), rentrée masquée puis présence des élèves en « hybridation » (lire l’épisode 5, « “On fait notre maximum pour concilier l’éducatif et le sanitaire” »), épreuves de spécialité supprimées (lire l’épisode 7, « En terminale, la crainte d’un bac Covid de sens »)… À force de coups de ciseaux dans la maquette de notation originelle, le contrôle continu prévaudra finalement pour l’écrasante majorité de l’évaluation des lycéens, soumis comme leurs profs à des protocoles de distanciation parfois lunaires. Deux épreuves, prévues en juin, tiennent encore la couture : l’écrit de philosophie, hérité de l’ancien schéma, et le grand oral, tissu de polémiques dès son annonce. Le premier représentera 8 % de la note finale au bac ; le second, 10 %.

Jean-Michel Blanquer s’est voulu rassurant, dans Le Parisien du 13 mars dernier, sur le maintien en présentiel de ces rendez-vous « en cas de flambée épidémique », estimant que « la situation sanitaire devrait être normalement plus détendue en juin » et que, « logiquement », ces épreuves « se tiendront dans les conditions normales du contrôle terminal ». Reste à s’accorder sur ce que doivent être ces « conditions normales ». Car le grand oral reste une grande première, et au lycée Emmanuel-Mounier de Grenoble, où Les Jours suivent la réforme du bac depuis deux ans, « le stress commence à monter », constate son proviseur, Joseph Sergi.
Alors la semaine dernière, l’équipe enseignante s’est résolue à lancer officiellement la préparation de cette innovation, qui devrait se tenir du 21 au 26 juin.