Dans la salle de permanence, les élèves présents ont gardé leurs manteaux fermés et leurs sacs sur le dos. Les tables devant eux sont parfaitement vides. Ils n’envisagent visiblement pas de travailler. On n’a rien à faire.
Le petit groupe a un prof absent. Ils ne sont pas nombreux, mais les surveillants Thomas et Arthur vont devoir les occuper et surtout faire en sorte qu’ils ne mettent pas le bazar. Thomas leur demande ce qu’ils ont comme cours ensuite. Musique.
Et ce qu’ils font en musique en ce moment. « Skyfall, d’Adele. » Qu’à cela ne tienne, Thomas part imprimer les paroles de la chanson. À défaut de travailler, ils répéteront. Il est possible qu’il ait regretté son geste. La chorale brindezingue et son brame angoissant – Skyyyyyyyfaaaaalllllll
– résonne douloureusement jusque dans le couloir. Depuis son bureau situé juste en face de la salle de permanence, la conseillère principale d’éducation Cécile Morot fait comme si de rien. Elle termine un coup de fil avec un parent et traverse le couloir pour retrouver le bureau du principal pour la troisième réunion de sa journée (lire l’épisode 18, « Tu passeras chez la CPE »).
Elle est un peu en retard. Prend en route une histoire suffisamment grave pour que le principal parle de déposer une main courante
et d’envoyer un recommandé aux parents
. Une affaire qui sera traitée plus tard en conseil de discipline. Autour de la table, il y a Jean-Louis Terrana, le principal, Pascale Guillemin, la principale adjointe, et Monique Choux, la directrice de la Segpa. Sur la table, des piles de feuilles volantes : les rapports d’incident. Une à deux fois par semaine se tient la « commission sanctions ». Ils passent en revue les problèmes suffisamment sérieux pour être consignés par les enseignants et les surveillants, le genre de problèmes qui valent plus qu’une heure de colle mais moins qu’un conseil de discipline (lire l’épisode 14, « Élève en sursis »). Les sanctions encourues sont des demi-journées de colle, des mesures de responsabilisation, des exclusions de moins de huit jours. Elles ne seront toutefois pas décidées durant cette réunion, mais en présence de l’élève et de sa famille qui se verront convoqués dans les jours qui suivent. « C’est important, insiste Jean-Louis Terrana, il y a toujours un contradictoire et un droit de la défense. »

Rapport d’incident après rapport d’incident, il n’est question quasiment que de problèmes de violences. Plus ou moins gros.