Vendredi, Nina s’est fait avaler par la machine. Au collège, tous les élèves connaissent et redoutent la machine, même s’ils ne comprennent pas vraiment comment elle fonctionne. La « machine » s’appelle Affelnet, et c’est le logiciel de l’Éducation nationale qui décide dans quel lycée sera affecté chaque élève de troisième. À Paris, elle répartit chaque année 11 000 élèves dans 74 lycées. La machine a été pensée pour être plus juste, plus impartiale et plus efficace que les humains de l’Éducation nationale. Mais parfois, elle ne l’est pas.
Vendredi dernier, à 11 heures, en sortant de leur dernière épreuve de brevet, les 3e B doivent se voir remettre cette fameuse affectation par leur professeur principal. Ils sont angoissés. Bien plus que pour le brevet, cet examen qui ne sert à rien
(selon eux). Antoine Labaere, lui, est carrément livide. Avant de voir les autres élèves, il a dû annoncer à Nina qu’elle n’est affectée nulle part
. Pas de lycée, rien
, me répète-t-il, sans sembler y croire lui-même. Il me redonne la moyenne de ses notes : plus de 12 sur 20. C’est incompréhensible.
La machine s’est enrayée. Affelnet, c’est la loi du marché, celle de l’offre et de la demande, ça peut être dur
, résume Jean-Louis Terrana, le principal du collège.

En pleurs, Nina a été prise en charge par la principale adjointe. Pascale Guillemin lui a assuré qu’il y aurait des places vacantes dans certains lycées, que cela allait s’arranger très vite : Affelnet va faire un « second tour » et Nina aura une réponse le 4 juillet. Mais l’adolescente était comme assommée. Elle n’avait pas imaginé un instant ce scénario. La semaine précédente, lorsque nous étions aller interviewer Najat Vallaud-Belkacem avec la classe, répondant à une question de la ministre sur ce qu’elle allait faire l’an prochain, elle avait répondu sans hésiter, et même la pointe de fierté de celle qui s’est déjà glissée dans la peau d’une lycéenne : Je vais au lycée Voltaire
(dans le XIe arrondissement de Paris). Son angoisse, jusqu’ici, était surtout d’être séparée de Faema, sa copine depuis l’école primaire. Nina est une élève moyenne, qui pourrait avoir les félicitations ou les compliments sans problème si elle travaillait un peu plus, comme le lui ont rappelé à chaque fois ses enseignants aux conseils de classe cette année. Elle est surtout une élève moteur dans la classe. Déléguée, Nina est très à l’aise, curieuse de tout et s’exprime avec aisance (et beaucoup). De ces qualités-là cependant, Affelnet n’a cure.