Dans le hameau de Fontaineroux, à Héricy (Seine-et-Marne), le lycée professionnel La Fayette est planté au milieu d’un champ. Un ensemble de grands bâtiments anciens et, à l’infini : bois, maisons, terres, maisons. Il n’y a rien d’autre, pas de café, de bibliothèque, de gare. Rien qui puisse distraire le regard depuis les fenêtres d’une salle de classe. Seules les voitures des professeurs et un car de ramassage scolaire animent le parking deux fois par jour.
C’est là que 300 élèves, de la troisième prépro au BTS - venus de tout le département ou de plus loin encore, du Loiret ou de l’Yonne - font leur rentrée ce jeudi 1er septembre. Dix-huit d’entre eux rejoignent la 2de PCM, « production et conception mécanique ». Ceux passés par une classe de 3e prépro ou familiarisés par un stage ou par le parcours d’un copain, ont fait le choix de s’y inscrire. Pour les autres, arrivés là par hasard et par défaut, la PCM n’est qu’un acronyme vague. Ils sont majoritaires.
Après Les années collège, l’idée de poursuivre notre immersion en lycée professionnel s’est imposée d’elle-même. À la fin de l’année scolaire, les troisièmes orientés vers des filières professionnelles avaient rarement choisi cette voie. Mal aimées (par les parents notamment) et très peu connues, les filières professionnelles accueillent pourtant près de 40 % des lycéens français. Pour raconter cette jeunesse, celle invisible des communes rurales et des lycées professionnels, Les Jours suivent pendant une année scolaire la 2de PCM de Fontaineroux.
Ils sont ces fameux collégiens « en échec scolaire » pour qui la voie générale n’a jamais été envisagée ou ceux, restés sans affectation scolaire, accueillis en catastrophe là où il restait de la place. Et il en reste en PCM ; les collégiens, pour qui les « métiers de l’industrie mécanique » n’évoquent pas grand-chose, ne s’y bousculent pas – la SEN (« systèmes électroniques numériques »), l’autre seconde pro du lycée, affiche elle complet.
Sur 300 élèves, le lycée ne compte que quatorze filles (des élèves de 3e prépro). Il n’y en a aucune dans la classe de 2de PCM. Il arrive qu’une fille atterrisse dans cette filière mais c’est rare. Valérie Clérin, la proviseure-adjointe, se souvient d’Alizée, une élève si brillante qu’elle a sauté une classe et poursuivi sa formation en BTS. Les stéréotypes de genre sont très présents dans ces établissements. Les garçons choisissent les métiers de l’industrie, du bâtiment, de l’automobile et de l’informatique. Les filles, les filières beauté, vente, aide à la personne, etc. Les filières tertiaires (gestion, vente…) sont plutôt mixtes. Une classe de bac pro esthétique récemment ouverte sur le site de Champagne-sur-Seine n’accueille que des filles.
L’image de la PCM est encore négative, on l’associe au bleu de travail, au cambouis…
, déplore Jean-Luc Gauthier, professeur de productique en BTS et mémoire du lycée. En poste depuis 38 ans à Fontaineroux, il a vu baisser, à regrets, les effectifs de cette filière. C’est dommage parce qu’il y a du travail dans le coin. Les entreprises nous demandent plus d’élèves qu’on ne peut en proposer.
Pour Valérie Clérin, l’enjeu de cette année charnière va être de replacer ces jeunes sur les rails de l’école, de les garder dans le système scolaire jusqu’au bac, ou au BTS pour les meilleurs. De leur apprendre un métier, de les former, de leur ouvrir des perspectives. Le premier trimestre de seconde est déterminant : on doit accompagner et motiver des élèves qui découvrent un nouvel environnement. Certains élèves font des parcours remarquables mais on doit repérer et aider ceux qui risquent de décrocher.
Certains vont s’y épanouir, d’autres vont partir mais tous vont découvrir les ateliers, les machines, le bleu de travail obligatoire, les stages en entreprise, les cours en petits effectifs, les casiers métalliques, « M. Flejou » le chef de travaux, mais aussi l’absence de filles, l’internat pour ceux qui y dorment, les trajets en car dans les paysages céréaliers de Seine-et-Marne et tout le reste, les profs, l’amour, les sorties, les vacances. Les années lycée de la jeunesse périurbaine.