À Montargis, dans le Loiret, seules quelques affiches pour Marine Le Pen, en partie déchirées sur les pylônes de l’échangeur autoroutier, signalent l’approche de la présidentielle. À la sortie de l’agence Pôle emploi où nous nous rendons régulièrement depuis bientôt un an, les électeurs chômeurs nagent en plein doute. Ce jour-là, six d’entre eux ont accepté de parler politique avec nous. Chacun a son histoire, ses idées, un cheminement qui lui est propre. Leur point commun : ne pas savoir avec certitude à qui donner sa voix. À moins qu’ils ne soient déjà convaincus de ne pas aller voter… Certains ont cru au pouvoir des urnes, « dans le temps ». Mais leur foi s’est évaporée. Le Front national, omniprésent, est tout sauf un tabou. Ils ne sont sûrs que d’une chose : l’issue du scrutin ne changera rien à leur vie.
Marie-France, 47 ans, est la seule à voter par principe, parce que c’est un droit qu’il ne faut pas laisser croupir. Quant à savoir pour qui… « Je lirai les programmes quand ils les enverront », tranche cette ouvrière au chômage depuis 2015. Quand nous l’avions sondée la première fois (lire l’épisode 1, « Les électeurs des “Jours” »), elle hésitait à choisir Marine Le Pen. Marie-France pense que « trop de gens entrent en France » alors que le boulot manque. Mais le discours anti-immigrés ne la met pas complètement à l’aise. « Il y a des étrangers installés ici depuis trente ans parce que les Français sont allés les chercher pour faire la merde dont ils ne voulaient pas. Mon grand-père était italien. Il a bossé dur pour faire vivre sa famille. Est-ce que Le Pen ne risque pas de virer tout le monde ? »
Si Marie-France est dans le flou, c’est aussi parce qu’elle ne fait plus confiance aux politiques pour combattre les problèmes, chômage en tête. En décembre dernier, elle s’indignait de voir Mr Bricolage supprimer 238 postes en France. Aujourd’hui, elle suit le dossier Whirlpool. Le fabricant de machines à laver lâche son usine d’Amiens pour délocaliser en Pologne. « Il fait des bénéfices. C’est pas normal qu’on laisse faire. » Marie-France a subi deux licenciements. Les politiques ont chaque fois brillé par leur impuissance, constate-elle. Sa première boîte a été rachetée par un groupe qui a récupéré la production en Bretagne. Les ouvriers qui ont refusé de suivre se sont retrouvés sur la paille. «