Elle ne votait plus ; aujourd’hui, elle ne veut pas que son vote soit perdu. Sophie, 40 ans, a arrêté de participer aux élections il y a des années. Elle ne sait plus exactement quand elle a cessé de se déplacer, comment elle s’est peu à peu désintéressée (lire l’épisode 1, « Les électeurs des “Jours” »). Petit à petit, elle n’était plus « concernée ». Tout a changé depuis les attentats du 13 novembre 2015. Sophie était attablée au café du Bataclan quand les assaillants sont arrivés ; elle a croisé le regard d’un tireur avant de se réfugier à l’intérieur. Elle s’est enfuie après l’arrivée de la police. J’ai raconté son retour progressif à la vie dans l’obsession Treize Novembre. Sophie a décidé de se réinscrire sur les liste électorales.
Je la rencontre dans un café du XIe arrondissement de Paris, tout près du Bataclan, où nous avons pris l’habitude de nous retrouver. Participer aux élections ? Oui, mais comment ? « Là, je ne peux pas dire : “Youpi, ça y est, j’ai trouvé” », me dit-elle en repoussant l’envie d’allumer une cigarette. Elle poursuit : « Je résiste à l’engouement qui m’exaspère autour de Macron : pour moi, c’est quelqu’un qui communique bien, qui séduit et sait parler, mais le fond, on ne sait pas. Ça m’agace que les choix reposent sur la communication. Il est très fort et a du succès dans mon entourage – parisien, surdiplômé. Mais bon, pour quoi faire ? », interroge celle qui, après une école de commerce, est devenue consultante.
« Je vote pour que ça marche, je n’aime pas voter pour quelqu’un qui ne va pas réussir », confie Sophie. Peut-être est-ce parce qu’elle s’est abstenue pendant des années. Comme si à présent son vote devait servir à quelque chose. « Je n’ai pas envie que ce soit un vote pour rien », confirme-t-elle. Si elle passait outre ce petit détail, sa voix irait à Benoît Hamon. « Il a une vision de la société, du fond, il a réfléchi à un projet. Est-ce irréaliste ? Je ne sais pas, mais on sait où il va. Macron, je ne sais pas. » Seulement, à ses yeux, l’échec de l’alliance du candidat socialiste avec Jean-Luc Mélenchon condamne ses chances.
Sophie a voulu participer à la primaire de la droite, en novembre, mais elle n’a pas pu : trop récente sur les listes électorales, les assesseurs ne l’ont pas trouvée. En janvier, elle était décidée à voter à la primaire de gauche. Sans toutefois savoir qui choisir. Au bureau de vote de son quartier – l’école primaire de son fils –, elle a fait la queue.