Au lever du jour ce samedi matin, de large colonnes de fumée s’étendent au-dessus des vignes de Volnay. Pour la première fois depuis des décennies, les vignerons ont allumé des feux à l’aube, comme autant de nuages protecteurs, pour lutter contre le gel. Il menaçait depuis une bonne semaine en Bourgogne et les nuits annoncées les plus critiques étaient celles de ce jeudi et de ce vendredi. Alors, pour la première fois depuis très longtemps, les vignerons du village ont décidé de se préparer collectivement à allumer des feux dans leurs vignes, comme on le fait, par exemple, depuis quelques années dans le Chablisien, pour sauver les récoltes.
L’année dernière, elles avaient été laminées par un gel dans la nuit du 27 au 28 avril à Volnay. Le domaine Voillot y avait laissé les deux tiers de son millésime. Et comme cela venait après trois années de grêle, la trésorerie s’est tendue – 2017 devient stratégique. De nombreuses exploitations ne peuvent pas se permettre de nouvelles pertes importantes cette année. Certaines « ne sont plus très loin de mettre la clé sous la porte », rapporte Jean-Pierre Charlot, gérant du domaine Voillot. Alors ce sont les jeunes du village qui ont réagi et « poussé les vieux » à revenir à la technique du feu qu’utilisaient leurs ancêtres.
Une première note est arrivé jeudi matin, sur les mails des vignerons. « Le risque de voir se renouveler les dégâts de gel sur nos vignes est accru pour les deux nuits à venir. C’est pourquoi votre ODG (Organisme de défense et de gestion, le nouveau nom des syndicats d’appellation, ndlr) s’est organisée afin de mettre en place une lutte collective par combustion de paille permettant de créer un nuage de fumées protectrices. » Le but n’est en effet pas de réchauffer la vigne comme on l’imagine souvent, mais de créer un écran au-dessus d’elle. Car le vrai risque pour la plante, c’est paradoxalement la brûlure, due au soleil. Certes, si la température descend en mai au-dessous de -5°, alors que le repos végétatif est terminé, que la sève circule, il peut se produire une « gelée de grand froid » : la sève gèle. Mais cela arrive très rarement en cette saison. Le plus souvent, le danger se situe plutôt lorsqu’il fait -1° ou -2° et qu’il y a beaucoup d’humidité dans les vignes, comme ces jours-ci. « L’eau se prend en glace », comme dit Jean-Pierre : une fine pellicule se forme avant la levée du jour, elle enrobe les petites feuilles et les bourgeons fraîchement éclos.