Ils sont de gauche. Ou plutôt des gauches. Ils pensent qu’il ne faut pas renoncer à la politique. Dimanche, ces électeurs croisés dans d’autres séries des Jours iront donc voter à la primaire dite « de la belle alliance populaire ». Même s’ils en parlent en soufflant un peu, l’air désolé, désabusé ou même parfois gêné. Comme François-Régis Croisier, le chanteur Pain-Noir (toujours instituteur à Clermont-Ferrand en parallèle), dont on sent qu’il cherche ses mots pour ne pas être trop cruel sur le niveau de cette campagne et ce Parti socialiste pour lequel il vote traditionnellement. Il reconnaît que si le bureau de vote n’avait pas été dans son quartier, il se serait posé la question d’y aller. À quoi cela tient…

Antoine Labaere, prof d’histoire-géo dans un collège parisien classé en éducation prioritaire, semble se surprendre lui-même à aller voter pour cette primaire, lui qui dit parfois que « le PS ne sert à rien », lui qui lui préfère toujours au premier tour des formations plus à gauche (lire l’épisode 5, « Je crois qu’il faut s’engager autrement que par le vote »). Mais il s’est laissé séduire par les idées défendues par Benoît Hamon. Il n’est pas le seul parmi nos « électeurs des Jours ». Brahim, agent technique dans une région de quartier de l’agglomération grenobloise, à la base plutôt attiré par Jean-Luc Mélenchon, veut participer à cette primaire. « On va être gouvernés pendant cinq ans par certaines personnes, il faut bien choisir. » Lui aussi penche très fort pour Benoît Hamon. Même si sa motivation est « d’abord de voter contre Valls ».
L’intérêt de Brahim pour la politique est récent, il est surtout la conséquence d’une expérience particulière. L’an dernier, considéré comme « radicalisé » par le ministère de l’Intérieur, il a fait partie de la vague d’assignés à résidence post-attentats. L’assignation a été levée au bout de trois mois, c’est durant cette période que Les Jours l’avaient rencontré pour notre série Treize Novembre. Auparavant, ce père de famille, ancien délinquant dans sa jeunesse (il a fait une dizaine d’années de prison pour des affaires de stups), ne s’était jamais vraiment intéressé à la chose politique. Durant ses années de détention, il ne pouvait de toute façon pas voter. « Quand ils sont venus m’embêter chez moi, j’ai pris la décision de m’impliquer. » Il s’est dit qu’il fallait « que ça change », qu’il fallait aussi « arrêter de se lamenter ». « Il faut qu’ils voient qu’on est là. » « On », ce sont les musulmans.