La première fois qu’on en a discuté ensemble, c’était il y a un siècle environ, en novembre dernier. Une époque révolue où le paysage politique était encore encombré par la figure repoussoir de Nicolas Sarkozy. Et sclérosé par l’indécision de François Hollande. Antoine Labaere, 33 ans, me disait que pour la première fois dans sa vie d’électeur, il envisageait très sérieusement ne pas aller voter au second tour de la présidentielle. Depuis, la donne a changé. Le spectre Sarkozy a disparu. Le « décevant » Hollande s’est retiré. Mais le risque Le Pen est toujours là. « On se dit toujours que le vote utile, c’est terminé. Et dès qu’on se rapproche de l’échéance, on se dit qu’il faut voter quand même. » Mais ce professeur d’histoire-géo très à gauche sait que cela risque d’être « la mort dans l’âme ». Il répète « Fillon, François Fillon. Ça va pas être facile… »
Je n’ai pas vu avec Hollande l’utilité de mon vote utile.
Antoine Labaere est un électeur de gauche, préoccupé par la question politique. Je l’ai connu au tout début des Jours, il était le prof principal des troisièmes B, la classe que nous avons suivie durant toute une année. Il est toujours prof à Aimé-Césaire, un collège classé en éducation prioritaire dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Il a quasiment toujours enseigné dans des établissements de quartiers dits « difficiles », c’est-à-dire pauvres. Et considère que son travail est une forme d’engagement politique plus efficace que le choix qu’il fera – ou pas d’ailleurs – lors de la prochaine présidentielle. « C’est là que je peux agir vraiment. Je crois qu’il faut s’engager autrement que par le vote. Dans des associations, en participant aux manifestations… »
Antoine Labaere a toujours voté, à toutes les élections, « même à la primaire du PS » en 2011 (il nuance cependant la portée de son geste : « C’est une copine qui m’avait entraîné »). Ses habitudes de vote étaient jusqu’ici bien rodées. Au premier tour, il vote « pour l’extrême gauche ». Il met tout de même un petit temps avant de se souvenir du candidat de son choix en 2012 : « Ah oui, Besancenot. » Et au second tour, « utile ». La première fois qu’il a voté à une élection présidentielle, c’était pour Robert Hue, se souvient-il. Il n’a jamais été enthousiaste mais a toujours trouvé que c’était « un geste important ». Et puis quelque chose s’est décousu. Depuis le quinquennat Hollande, il attend moins de l’élection.