Installée depuis une dizaine d’années à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, la photographe Camille Farrah Lenain (qui est aussi musicienne et DJ) a fait la connaissance d’un groupe d’amis toutes et tous originaires de la campagne. « J’ai découvert qu’une des femmes de ce groupe pratique la chasse. Je ne suis pas une campagnarde, j’ai grandi en ville, donc c’est quelque chose qui m’a étonnée et intriguée, confie aux Jours Camille Farrah Lenain. Généralement, quand je suis étonnée par quelque chose, surtout quand il est question d’engagement de femmes, de féminisme ou d’intersectionnalité, j’ai envie de creuser, ça m’obsède. »
Le cliché voudrait qu’à la préhistoire, les hommes étaient à la chasse et les femmes à la cueillette. Or, ce n’était pas vraiment le cas, puisqu’entre 30 et 50 % de femmes étaient chasseresses, selon une récente étude américaine. La photographe préfère d’ailleurs ce mot à celui de chasseuse : « Chasseresse a une connotation plus poétique pour moi, et avec ce projet, j’essaye de toucher un peu à l’imaginaire, la mythologie. » Elle découvre ainsi qu’il existe peu de représentations de chasseresses dans l’histoire de l’art. « Quand les femmes sont représentées en lien avec la nature, c’est rarement en lien avec la mort ou la violence, contrairement aux hommes », remarque-t-elle. Alors que dans la mythologie, c’est bien une femme, Diane, qui est déesse de la chasse et du monde sauvage. À l’origine, Diane avait aussi un pouvoir sur la procréation et la naissance des enfants. Pour Camille Farrah Lenain, « cette idée qu’on puisse à la fois donner et reprendre la vie est particulièrement intéressante ».
Elle démarre donc son projet en Louisiane en 2019. Puis, à cause de la pandémie, vient se confiner plusieurs mois en Camargue. Comme elle n’envisage pas de rester plusieurs mois sans photographier, elle décide de trouver sur place des chasseresses pour poursuivre son projet en France. « Il y a beaucoup de liens entre la Louisiane et la Camargue, explique-t-elle. La Louisiane est une ancienne colonie française, où l’on trouve des personnes qui parlent encore le français, le créole ou le cajun en zone rurale. Ces personnes vivent généralement de la terre, de la chasse. » Et les deux régions se ressemblent beaucoup. On y cultive du riz, c’est marécageux, plat, en bordure de mer. Ce qui donne une certaine unité visuelle à sa série photographique.