Le rendez-vous semble être passé inaperçu. Le 18 décembre 2019, à 18 h 15 précises selon son agenda, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a rencontré Yves Perrier, directeur général d’Amundi et également président d’honneur de l’Association française de gestion (AFG), le principal lobby des gestionnaires d’actifs. En pleine réforme des retraites, pourquoi cet entretien a-t-il été programmé et sur quel(s) sujet(s) portait-il ? Que se sont dit les deux hommes et leurs collaborateurs respectifs ? Les questions fusent, forcément, alors que les gestionnaires d’actifs, à l’image de BlackRock (lire l’épisode 12 de la saison 2 des Conseillers), espèrent le développement de l’épargne retraite supplémentaire, déjà rendue plus attractive par la loi Pacte. Selon le cabinet de Bruno Le Maire, interrogé par Les Jours, cette réunion a été l’occasion d’« un tour d’horizon global de la situation économique et financière au niveau national et international. Le ministre a également fait part à Yves Perrier de ses projets dans la finance verte. » Mais il n’aurait pas été question d’épargne retraite. Il faudra se contenter de cette réponse. L’activité des lobbies auprès de l’exécutif n’est soumise à aucune règle de transparence.

L’encadrement du lobbying n’a guère plus de dix ans en France. Un premier registre avait été créé en 2009 à l’Assemblée nationale, avec inscription obligatoire pour tous les groupes d’intérêts souhaitant circuler dans les couloirs du Palais-Bourbon (lire l’épisode 1, « Lobbies, le pouvoir des couloirs »). Puis, en 2016, la loi Sapin 2 a instauré un répertoire des représentants d’intérêts, tenu par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Toutes les personnes morales exerçant une activité de lobbying de façon « principale et régulière » doivent s’y inscrire. Rempli progressivement depuis juillet 2017, il recense à ce jour 1 979 représentants d’intérêts. Mais les informations fournies sont déclaratives et difficiles à vérifier. Elles restent aussi parcellaires. Les lobbies sont tenus de déclarer une fourchette de dépenses annuelles en matière d’influence et une liste d’actions de lobbying. On sait ainsi que Total a dépensé entre 1,5 et 1,75 million d’euros pour ses opérations dédiées en 2018, deux fois plus qu’en 2017.