Les pressions sont nombreuses, tous secteurs confondus. Elles vont dans le même sens. En pleine pandémie de coronavirus, de grandes entreprises et leurs représentants ciblent normes et règlements environnementaux, cherchant à obtenir des assouplissements. Une nécessité, à les lire, afin de ne pas entraver la relance économique à venir. Au niveau européen, où les lobbies sont traditionnellement très actifs (lire l’épisode 20, « Lobbies, les chouchous de Bruxelles »), plusieurs d’entre eux bataillent contre des mesures qui pourraient découler du « Green Deal », l’un des chantiers phares de la nouvelle Commission, qui vise à orienter toutes les politiques publiques de l’Union vers la lutte contre le changement climatique. L’une de ses principales composantes, le programme « Farm to Fork » (De la ferme à la fourchette), qui promet de transformer les systèmes alimentaires et cherche à verdir la politique agricole commune (PAC) en pleine renégociation, est en particulier visée. La Copa-Cogeca, le lobby européen de l’agro-industrie, dont la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) est membre, a explicitement demandé son « report », dans un courrier du 2 avril, adressé à Norbert Lins, président de la commission de l’agriculture et du développement rural au Parlement européen. Argument invoqué : les menaces que fait peser l’épidémie de coronavirus sur le secteur agricole, ainsi que sur « l’approvisionnement, les emplois et la sécurité alimentaire de l’Union ».

Côté fabricants de pesticides aussi, on espère gagner du temps. La propension à un lobbying intense des firmes phytopharmaceutiques n’est plus à démontrer (lire l’épisode 19, « Glyphosate : Monsanto pulvérise du “fake” »). Dans leur ligne de mire cette fois : un projet d’interdiction des importations de produits contenant des résidus de pesticides déjà bannis en Europe. Un document de Bayer, datant du 16 mars dernier et rendu public par l’ONG Foodwatch, révèle la stratégie et l’argumentaire de la multinationale allemande. Son objectif est clairement le statu quo : à trois reprises, Bayer demande à ne pas changer la réglementation et à ne surtout pas interdire les importations. À l’appui de sa demande, le géant met en avant les efforts des pays du Sud (Afrique de l’Ouest, Amérique latine et Sud-Est asiatique) pour lutter contre la faim et la pauvreté. Des normes plus contraignantes, limitant l’usage des pesticides, empêcheraient ces pays d’accéder au développement économique espéré.