Les premiers mois de l’arrivée de Zoubeir en Syrie, fin 2013, les jihadistes français participent encore peu aux combats. L’EIIL (l’État islamique en Irak et au Levant, l’actuel État islamique), qui vient tout juste d’officialiser sa présence en Syrie, n’a pas vraiment installé son autorité ni ses administrations. Le quotidien des premiers jihadistes français n’est pas encore celui des lignes de fronts actifs. Ou très peu. Tout au plus quelques ribat, ces tours de garde sur les checkpoints marquant les territoires respectifs de chaque belligérant. La plupart des jihadistes français sont alors installés dans les mêmes villes, parfois les mêmes quartiers, dans la banlieue d’Alep. Ils occupent de grandes maisons laissées vacantes par des Syriens fortunés qui ont fui la guerre. Après le passage de chacun au camp d’entraînement pendant deux semaines à un mois, le quotidien des Français est alors, selon Zoubeir, celui d’une bande de potes rythmé par les balades
, le cybercafé, le fast-food et les cinq prières quotidiennes en groupe.
Grâce aux nombreuses arnaques au crédit à la consommation, certains sont arrivés avec de grosses sommes en liquide, parfois même avec des voitures de luxe achetées en leasing en France. Plusieurs shoyoukhs – cheikh au pluriel – jihadistes ont rendu cette pratique « licite en islam ». Car pour financer le jihad sur le sentier d’Allah, voler les mécréants n’est plus considéré comme du vol mais devient du ghanima, c’est-à-dire du butin de guerre.