Comment survit-on à la présidence de Trump ? Dante, Aline, Joe, Martha, ces habitants de Chicago que Les Jours ont suivis pendant la campagne, organisent à leur manière une forme de résistance. Chaque semaine, l’un d’entre eux nous donne des nouvelles d’Amérique.
«Comme vous l’avez peut-être déjà lu dans ma dernière lettre (lire l’épisode 2, “‘Je sais que ces manifestations l’énervent vraiment’”), je suis un homme africain-américain. Je vis dans ce pays depuis maintenant presque vingt et un ans. Il y a eu quatre présidents au cours de ma vie, avec des alternances politiques. En tant qu’Africain-Américain, je n’ai jamais vraiment eu les mêmes droits que les autres dans ce pays. On dit que tous les citoyens sont égaux ici, mais c’est un mensonge. J’ai peur que les gens qui sont censés me protéger ne me mettent 16 balles dans le corps sans autre raison que la couleur de ma peau. Presque tous les jours, j’entends en me réveillant qu’une personne noire a encore été tuée par la police, sans jamais qu’aucune de ces victimes n’obtienne la justice, qui est pourtant censée être son droit en tant que citoyen américain. Mais il y a une différence entre les administrations Bush et Trump : ce dernier est en train de délibérément saboter les droits civiques. Les deux présidents démocrates, Bill Clinton et Barack Obama, étaient aimés par les Africains-Américains. Clinton affichait une sorte de panache auquel la plupart pouvaient s’identifier. Obama était lui-même africain-américain, et venait de la même ville que moi : Chicago, dans l’Illinois.
Les deux présidents républicains, au contraire, sont détestés par les Africains-Américains. La plupart des gens n’aimaient pas George W. Bush pour la simple raison qu’il semblait complètement idiot, et que personne ne souhaite que son président, la personne qui représente l’ensemble de son pays, ait l’air idiot. Pour un Africain-Américain, il y a une raison à mon avis bien plus importante de ne pas l’aimer : l’ouragan Katrina. Vous savez, l’une des plus grandes catastrophes naturelles en plus de deux siècles d’histoire des États-Unis depuis l’indépendance. C’est le rappeur Kanye West qui a le mieux résumé l’action – ou plutôt l’inaction – de Bush pendant cet événement qui a affecté des centaines de milliers de gens : “George Bush s’en fout des Noirs.”

À l’époque, nous nous imaginions que nous ne verrions probablement jamais plus un président qui se soucie aussi peu de nous. Comme on dit, il ne faut jamais dire jamais.
Cela fait presque cinq mois et les gens ici sont toujours choqués d’avoir élu Donald Trump.