Vous pensiez en avoir fini avec la loi « moralisation » après son adoption par l’Assemblée nationale en plein milieu du mois d’août ? Raté. Dans le processus de fabrication de la loi, il reste un épisode décisif avant sa promulgation par le gouvernement (et la rédaction de décrets pour la faire appliquer) : son examen par le Conseil constitutionnel. Pour la partie « loi organique » du texte, c’est un passage obligé que de demander à la plus haute juridiction française si les mesures votées respectent la Constitution. Et le Conseil a aussi été saisi de la partie « loi ordinaire » par les députés Les Républicains, mécontents notamment de ne plus pouvoir employer leurs conjoints ou leurs enfants, une des innovations voulues par le gouvernement. Deux sujets sur lesquels l’institution doit se prononcer vendredi. On va aussi parler du Conseil dès ce jeudi puisque c’est ce jour qu’il doit donner son avis sur la constitutionnalité de la loi d’habilitation permettant au gouvernement de prendre des ordonnances pour « renforcer le dialogue social ».
Profitons donc que l’attention soit tournée vers les « sages de la rue de Montpensier » pour aller jeter un coup d’œil sur une des institutions les plus puissantes de la République, mais dont le fonctionnement est l’un des moins connus. Même les spécialistes avouent leur ignorance des coulisses de la haute juridiction, actuellement présidée par Laurent Fabius. « Au fond, on ne sait de ce qui se passe réellement au Conseil constitutionnel que ce que les membres et les archives de l’institution veulent bien révéler : c’est-à-dire, il faut bien l’avouer, pas grand-chose », écrit ainsi la chercheuse en droit Elina Lemaire après enquête. Cette opacité est inscrite dans les gènes de l’institution : depuis sa création en 1959, les discussions se déroulent à huis clos et ses membres ont un devoir de confidentialité sur tout ce qui s’y dit. Mais elle pose question. D’abord parce que, dans une démocratie, il est assez étrange de ne rien savoir des débats qui conduisent une juridiction à trancher sur la légalité d’une mesure, de manière définitive – les décisions de censure du Conseil ne sont pas susceptibles de recours. Ensuite, parce que, depuis quelques années, on assiste à une inflation de décisions en faveur des entreprises, due notamment à un poids croissant des lobbies privés, faisant dire à certains que la rue de Montpensier est devenue une annexe du Medef.

L’opacité débute dès que le Conseil est saisi d’une loi par les parlementaires.