Compétente, prudente et à l’écoute. Auditionnée ce mardi après-midi par le Sénat pour présenter la loi « moralisation » écrite par son éphémère prédécesseur François Bayrou, Nicole Belloubet n’a pas raté sa première sortie publique. Mais la nouvelle garde des Sceaux a été chahutée. Devant des sénateurs venus en nombre – ils étaient une soixantaine, signe que le sujet intéresse au sein de la chambre haute –, cette ancienne professeure de droit a eu beaucoup de mal à s’imposer. Interruptions, brouhaha, moqueries… Il a fallu à plusieurs reprises que Philippe Bas, le président de la commission des lois et rapporteur du projet de loi, intervienne pour calmer ses collègues. Pas forcément réputés pour leur pugnacité, ces derniers sont particulièrement remontés contre une des mesures symboles du texte visant à redonner « confiance dans la vie publique » : la fin de la réserve parlementaire.
Avant même le début de son intervention, Nicole Belloubet est mise dans l’ambiance par Philippe Bas. Dans un propos introductif, celui qui défend le cumul des mandats et a promis d’amender le texte (lire l’épisode 5, « Le cumul des mandales ») dit qu’il trouve « stupide », voire « injurieux », de parler de « moralisation » à des élus qui, dans leur grande majorité, font preuve de « probité » et d’« honnêteté ». Et, tout en ajoutant vouloir aborder le texte « avec bienveillance » – un terme aujourd’hui à la mode –, le président Les Républicains (LR) du conseil départemental de la Manche adresse de sérieuses mises en garde à la ministre : ne pas porter atteinte à la « séparation des pouvoirs » – ce qui veut dire laisser au Sénat ses prérogatives –, respecter les « 600 000 élus de France » qui s’engagent de manière « désintéressée » alors que nous sommes dans « une société de plus en plus marchande et consumériste » et, enfin, y réfléchir à deux fois avant de supprimer la réserve parlementaire.

De son côté, Nicole Belloubet cherche à éviter tous les pièges de l’audition. Pas question de prendre de haut les parlementaires en se prévalant a priori de sa compétence d’ancienne membre du Conseil constitutionnel : elle met plusieurs fois en avant son expérience d’élue locale (elle a été maire-adjointe PS de Toulouse et vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées). Se disant « très honorée » d’être reçue au Sénat, elle prend toutes les précautions possibles pour annoncer aux parlementaires un renforcement des contraintes pesant sur eux.