Ne plus pouvoir faire travailler son conjoint ou ses enfants, devoir remplir des notes pour se faire rembourser ses frais, ne plus pouvoir disposer d’une réserve parlementaire pour s’adonner tranquillement au clientélisme… Les nouvelles contraintes prévues par la loi « moralisation » énervent les sénateurs (lire l’épisode 6, « La ministre, les sénateurs et les problèmes d’audition »). Certains ont déposé des amendements pour annuler ces dispositions prévues par le texte gouvernemental (on y reviendra dans un prochain épisode), d’autres imaginent une autre stratégie. Puisque l’opinion ne comprendrait pas que le texte soit moins contraignant, il faut imposer la « moralisation » à d’autres professions. Sont notamment visés les syndicalistes et les journalistes.
Selon nos informations, François Zocchetto, le patron du groupe UDI au Sénat, a ainsi préparé deux amendements qui vont faire hurler dans les rédactions françaises. Le premier vise à imposer aux journalistes les mêmes règles qui incombent aux lobbyistes – du moins depuis la loi Sapin II, votée en décembre 2016. Il est en effet prévu de rajouter une nouvelle section dans le projet de loi intitulée « De la transparence des rapports entre les journalistes et les intérêts privés ». Serait ainsi créé un « répertoire numérique » public pour assurer « l’information des citoyens sur les relations entre les journalistes et les représentants d’intérêts publics ou privés ». Un fichier de journalistes, en somme. Et tous seraient obligés de de communiquer à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) les « dons ou avantages quelconques d’une valeur significative reçus » ainsi que la « liste des colloques, manifestations ou réunions dans lesquels les modalités de prise de parole par les journalistes sont liées au versement d’une rémunération sous quelque forme que ce soit ». On parle ici de cadeaux importants ou de « ménages », normalement interdits par les chartes de déontologie des journalistes, même si ces dernières ne sont pas toujours respectées.

On voit ici l’astuce du sénateur. Difficile pour les journalistes de se plaindre d’un texte de loi qui leur enjoint de respecter leurs règles éthiques sans passer pour d’affreux corrompus. Mais qui dit obligation, dit contrôle. Et contrôle tatillon, naturellement.