Les parents de Luigi, l’adolescent tué en septembre dernier d’une rafale de kalachnikov à Saint-Denis, attendaient ce jour avec impatience mais n’y croyaient plus. Mardi 21 mai, quatre hommes ont été interpellés, puis mis en examen et placés en détention le 24 mai. Trois pour « meurtre » et « tentative de meurtre en bande organisée », le quatrième pour « recel de malfaiteurs ».
Depuis le début de notre enquête sur la mort de Luigi O., 16 ans, la police et la justice maintenaient un silence absolu. Et pour cause : une série d’interpellations se préparait minutieusement depuis plusieurs semaines. Avant le coup de filet, maître Lisa Diego Rodriguez, l’avocate de la famille O., estimait : « Les enquêteurs ne veulent pas se louper, ils agiront quand ils seront certains de ne laisser aucune chance aux suspects d’échapper à la justice. » Une source proche du dossier : « Cela faisait longtemps que la police avait les noms et attendait l’occasion d’agir. »
Juste après la fusillade mortelle du 17 septembre 2018, les enquêteurs auditionnent une trentaine de personnes soupçonnées d’être impliquées. Les écoutes et le bornage des téléphones cellulaires ne donnent rien. Des noms de mineurs ressortent mais la police les écarte. Au bout d’un mois, l’enquête semble stagner. Mais « quelle que soit l’histoire, ça finit toujours par balancer », poursuit notre source. Une fois les personnes identifiées, la police patiente. Ce que nous ne savions pas, c’est que depuis les faits, au moins l’un des suspects s’était enfui de Romain-Rolland, la cité rivale où a été tué Luigi. À son retour dans le quartier, début 2019, l’enquête reprend. Il faut un trimestre aux enquêteurs du 36 pour réunir suffisamment de preuves et mettre sur pied le coup de filet du mardi 21 mai.
L’opération est menée par la brigade criminelle, appuyée par la brigade de recherche et d’investigation (BRI) et le commissariat de Saint-Denis. Au lever du jour, les policiers interpellent simultanément quatre jeunes hommes âgés de 20 à 23 ans. Trois sont dyonisiens, le quatrième est arrêté à Aubervilliers. Vendredi 24 mai, après 96 heures de garde à vue, les suspects sont présentés à la juge d’instruction du tribunal de grande instance de Bobigny, qui les met en examen avant qu’ils soient placés en détention. « Nous n’en sommes qu’à la seconde scène du premier acte », explique Lisa Diego Rodriguez aux Jours. Le procès est encore loin et l’enquête peut durer plusieurs mois.
Outre les rôles de chacun et d’éventuelles complicités, l’enquête devra aussi déterminer l’origine des armes et vérifier s’il y a un lien avec le cambriolage d’un pavillon situé à la lisière de Romain-Rolland, le 28 août 2018.