Tôt, très tôt, ce lundi matin, il a pris le train pour Paris. Direction « Solférino », ainsi que, chez les socialistes, on appelle le siège du PS dans le VIIe (variante : « Solfé »), où se tient un « BN », pour bureau national, l’instance dirigeante du parti. Parmi ses 73 membres, représentant les fédérations, figure Hussein Bourgi, patron de celle de l’Hérault suivie par Les Jours depuis décembre. Y siège aussi Christian Assaf, député de l’Hérault, au titre cette fois de la motion soutenue par Martine Aubry lors du dernier congrès. Vous suivez toujours ? Bien... !
Au lendemain de la déroute historique du PS (6,34 % pour son candidat Benoît Hamon), l’heure n’était pas au trucidage entre « camarades » – trop tôt – mais à trouver la meilleure manière d’afficher un semblant d’union. Et bien sûr, le second tour de la présidentielle offre un (presque) idéal terrain de consensus. Barrage au Front national et à sa candidate Marine Le Pen ! Tel fut donc le mot d’ordre du parti défendu à la sortie par Jean-Christophe Cambadélis, le n°1 du PS. « Nous appelons à battre l’extrême droite, Marine Le Pen, et donc nous appelons à voter Macron. Cette prise de position a été unanime au sein du bureau national du PS et c’est suffisamment rare pour que ce soit souligné », a-t-il même ironisé.
Pour en arriver là, les débats ont été longs et, comme toujours, assortis d’un langage codé entre les membres du BN. L’affluence des grands jours a aussi surpris Hussein Bourgi le pince sans rire : « Le BN dans toute son exhaustivité avec même quelqu’un que je n’avais jamais vu en deux ans. » Et avant la toute proche quille gouvernementale, une brochette de ministres – Laurence Rossignol, Najat Vallaud-Belkacem, Jean-Marie Le Guen, Stéphane Le Foll… – étaient présents.
Au total, une dizaine d’interventions allant toutes dans le même sens : battre le FN le 7 mai prochain. Mais au Parti socialiste, il faut aussi poser des jalons dans ce genre d’exercice. Tout en veillant à ne surtout pas rompre le fragile consensus du moment qui permet d’éviter les vrais sujets, pas à l’ordre du jour… mais dans toutes les têtes : la défaite, les alliances aux législatives, participation et/ou simple soutien (ou pas) au gouvernement Macron.
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État à la Francophonie, proche de Manuel Valls, a le premier suscité agacement et réprobations d’une partie de l’auditoire en s’accommodant fort bien de la future victoire de Macron. Puis Gérard Filoche, de l’aile la plus à gauche du parti, a, lui, cherché l’antagonisme en expliquant en substance qu’éviter « le fascisme » version Le Pen était certes la priorité absolue mais que « l’ultralibéralisme » de l’ancien protégé de François Hollande conduisait finalement au même désastre. Stéphane Le Foll, le hollandais de toujours, a recadré le débat en exigeant que les règlements de compte interviennent plus tard pour ne pas paraître « indécent » aux yeux des Français à qui le PS demande d’être unis face au péril lepeniste. Le Foll souhaite que Bernard Cazeneuve, le Premier ministre, conduise la campagne du PS des législatives mais cela n’a pas été discuté au BN.
En coulisses, plusieurs socialistes ont échangé sur le côté tapageur d’Emmanuel Macron avec son épouse Brigitte et leur dîner à la Rotonde. Certains y vont vu un parallèle avec le Sarkozy bling bling du Fouquet’s de 2007. Et tous ont bien noté que la candidat d’En marche avait annoncé son envie de faire la peau « aux vieux partis » – PS en tête – lors des législatives en présentant des candidats partout. Hussein Bourgi a même reçu des SMS de militants à ce propos sur le mode : « Et on va voter pour ce type qui nous déclare la guerre avant même d’être élu ? »
Pas d’introspection, pas de grandes analyses sur les raisons de la défaite et pas de projection pour ne pas brouiller le message sur le second tour de la présidentielle.
Muet sur les causes de la défaite et l’avenir du parti, Jean-Christophe Cambadélis a bouclé les débats en déroulant « le programme de mobilisation pour l’entre-deux tours ». Il a promis l’arrivée par palettes pour jeudi dans les fédérations d’une « affiche nationale » et d’un tract (à quatre millions d’exemplaires) pour expliquer la position du parti pour le second tour. « Pas d’introspection, pas de grandes analyses sur les raisons de la défaite et pas de projection pour ne pas brouiller le message sur le second tour de la présidentielle. Chaque chose en son temps, il ne faut surtout pas mener tous les débats de front », résume Hussein Bourgi.
Lundi soir, il n’a pas pris son train de retour pour Montpellier car une autre réunion de tous les responsables fédéraux l’attend ce mardi à 18 heures à « Solférino ». On y parlera – entre autres – comptes de campagne et législatives. Au PS, comme si de rien n’était.