À Talus 2, à Koungou (Mayotte)
Dans le quartier de Talus 2 qui fait face à la mosquée et grimpe vers les hauteurs, le bruit des pioches contre la tôle rythme le travail de nombreux habitants qui descendent une à une les marches du grand escalier. Dans leurs bras, des ballots remplis d’effets personnels. Ce dimanche 21 mai à Majicavo Koropa, un quartier de la commune de Koungou, dans le nord de Mayotte, l’ambiance est plus agitée que d’ordinaire. Derrière une porte bancale qui tient miraculeusement encore debout, des cris se font entendre. Face au téléphone brandi par un ami qui le filme, Abdourroihmane, la soixantaine, hurle son désarroi : « Ça, c’est ma maison. J’ai cassé moi-même ma maison car le préfet a complètement cassé ma vie ! » Barre à mine à la main au côté de ses neveux, ce Français fait sauter les clous, les planches, les ficelles et les vis qui faisaient tenir debout sa maison de six pièces pour récupérer les matériaux que les tractopelles auraient détruits (lire l’épisode 1, « Mayotte redoute le cyclone Wuambushu »). Figure du quartier, le vieil homme monte pas à pas vers le logis que la préfecture lui a proposé pour quelques mois. Une petite maison d’un étage aux murs de parpaings nus, où l’eau ne fonctionne toujours pas. « Ce n’est pas vraiment un logement… Plutôt un endroit où je stocke mes meubles. Mais c’est là que je vais dormir », dit Abdourroihmane. Au pied du lavabo, il a posé à la hâte quelques affaires, dont le métier à tisser de sa femme, celui avec lequel elle confectionnait il y a quelque semaines encore de jolis salouvas, la tenue traditionnelle des femmes mahoraises
Les deux jours qui ont précédé, des gendarmes et des employés de la préfecture, de la permanence sociale et de la Sécurité civile ont fait du porte-à-porte dans chaque foyer. Avec la difficile tâche de tenter une dernière fois de convaincre les familles qui habitent le quartier de signer les propositions de relogement formulées par la préfecture et de faire leurs bagages avant l’arrivée des bulldozers. Ce dimanche, à travers les allées, c’est la résignation et la colère qui prévalent ; ce lundi, l’opération Wuambushu a officiellement démarré, avec un premier « décasage », ici, à Talus 2. Une victoire pour la préfecture et pour le ministère de l’Intérieur, vécue comme une défaite par les avocats des irréductibles habitants qui réclamaient des relogements adaptés et des garanties de scolarisation pour leurs enfants (lire l’épisode 2, « À Mayotte, Wuambushu farcie d’embûches »).