Le petit tabouret est pile à sa taille. Tiémoko, 4 ans, le porte depuis l’autre bout de la cour pour s’asseoir à côté de son père, installé à l’ombre dans un fauteuil en rônier. « Je suis parti de Kothiary un dimanche matin, le 30 novembre 2014. Mon fils avait alors deux mois », commence Ibrahima Senghor. Tiémoko se tourne vers son père, son visage a le sérieux et la satisfaction des enfants qui savent qu’on parle d’eux. « Je suis revenu presqu’un an plus tard. J’avais essayé de traverser la Méditerranée deux fois. »
La première tentative de traversée d’Ibrahima a eu lieu en janvier 2015. La deuxième, c’était trois mois plus tard, le 18 avril 2015. Ibrahima devait monter sur le chalutier bleu, celui sur lequel PM390047 a embarqué et qui a été englouti par la Méditerranée avec 800 personnes à son bord. Sur le bateau, point de départ de cette enquête (lire l’épisode 1, « PM390047, un mort en Méditerranée »), il y avait aussi d’autres jeunes de Kothiary (lire l’épisode 17, « Mamadou Seydou, le volontaire de la famille »), Ibrahima n’est pas le premier à quitter le village. Dans cette région qui souffre de pauvreté et de sécheresse, les départs vers l’Europe sont nombreux depuis des années.
« J’ai échappé deux fois à la mort. C’est comme si Dieu me disait : “Toi, tu ne dois pas partir.” » Dans ses bras, Ibrahima tient son plus jeune fils, Malick, dix-huit mois, né après son retour à Kothiary. Depuis qu’il est rentré, Ibrahima a repris son travail de chauffeur de poids lourds.