Je devais écrire un tout dernier épisode à cette série, la terminer sur l’histoire d’Ousman Gaye, 19 ans, croisé fin janvier à Agadez, au nord du Niger, et retrouvé en mai à Bijilo, petite station balnéaire de Gambie. Ousman est rentré chez lui après trois ans sur la route, deux tentatives de traversée de la Méditerranée avortées, et deux séjours de cinq puis deux mois dans une prison libyenne. Il n’en est sorti que grâce à un passeur, puis des amis qui ont payé les rançons demandées.
Ce lundi matin de mai, Ousman nous attendait à notre descente du taxi devant la station essence de Bijilo. J’ai reconnu son visage fin et ses dreadlocks attachées en queue de cheval. Il avait un grand sourire, et nous aussi. On était contents de se revoir. Il nous a amenés chez lui et nous a offert un Coca, puis il a appelé son oncle pour le prévenir de notre arrivée.
Mais quand, ces derniers jours, il a fallu écrire cet épisode final, au lieu de rédiger le retour d’Ousman, je me suis retrouvée à éplucher des brèves pour compter les disparus de trois naufrages survenus le premier week-end de juillet. L’Europe était soudain en train de s’emballer autour d’une nouvelle « crise des migrants », affolée suite à l’annonce de la fermeture des ports italiens aux bateaux des ONG.