De Courson-les-Carrières (Yonne)
Jean-Claude Denos, maire depuis trente ans de la petite commune de Courson-les-Carrières, dans l’Yonne, a été réélu avec 84 % des voix au premier tour, ce dimanche. L’abstention, nettement en hausse au niveau national (entre 53,5 et 56 %, selon les estimations), est restée contenue ici, avec 48 % de votants. Mais c’est tout de même dix-huit points de moins qu’en 2014, la faute à un scrutin sans beaucoup de suspens autour d’une seule liste (lire l’épisode 21, « À Courson, un dernier mandat pour la route ») mais, surtout, la faute à la pandémie de Covid-19 qui est passée au stade 3 ce week-end en France, celui de la grosse flippe sérieuse et peut-être du confinement total dans les tout prochains jours. « Je suis même surpris qu’il y ait eu autant de votants, disait Jean-Claude Denos à l’issue du dépouillement, qui a été effectué sans gants ni mesure particulière. Beaucoup de vieux, ceux de ma génération des 70 ans et plus, ne sont pas venus et je le comprends. »
Y’a une fermeture gouvernementale mais pas de répression, alors qu’ils viennent, on verra bien. Ils vont pas me faire chier.
À Courson, bourg dynamique situé à mi-chemin entre Auxerre et Clamecy, aux portes de la France qui se vide, les habitants avaient du mal, ce dimanche, à réaliser vraiment ce qui est en train de se jouer. « C’est un scrutin normal », me disait ainsi David Cherbuin, l’une des nouvelles têtes du conseil municipal, qui vit à Courson depuis une dizaine d’années. Les électeurs et électrices se sont déplacés tôt le matin, puis les allées et venues se sont accélérées à partir de 16 heures, jusqu’à la fermeture à 18 heures de l’unique bureau de vote installé dans la belle mairie. Des familles, des couples et des personnes âgées, voire très âgées, du genre qui tremblent sérieusement en descendant les marches du perron de la mairie avant de repartir péniblement dans une voiture hors d’âge. Ou cette dame, soutenue par sa fille, péniblement arcboutée sur ses deux cannes, qui déclare qu’il n’y a « pas de souci », que c’est « important » de venir voter. Qu’elle n’a « pas hésité ». Que le bureau a fait tout ce qu’il faut en mettant à disposition du gel hydroalcoolique.

Justement, cette normalité n’avait rien de normale dans la nouvelle réalité imposée depuis jeudi par les mesures contre la propagation du coronavirus. À Courson, tout le monde se fait encore la bise. On attrape les enfants pour leur faire des gros « smacks » sonores et « Gégé », qui regarde le coude qu’une connaissance lui tend en rigolant, répond très sérieusement « Fous-toi pas de ma gueule », avant de tendre une main ferme.