D’Hayange (Moselle)
Marlène est au volant quand sa vue se brouille. Un fondu au noir sur le chemin de son domicile, après une nouvelle journée de travail à la mairie d’Hayange faite de stress et d’humiliations. « Heureusement que j’étais près de la sortie d’autoroute, je n’ose imaginer ce qui aurait pu m’arriver sinon », souffle l’agente municipale, en arrêt maladie depuis plusieurs mois. Comme Marlène, près d’une dizaine d’employés de la mairie se sont confiés aux Jours. Souhaitant rester anonymes par peur des « représailles », tous racontent la même histoire : celle d’une gouvernance séduisante à l’extérieur mais brutale à l’intérieur. La colère du maire Rassemblement national (RN) Fabien Engelmann se cristalliserait notamment sur trois petites lettres : CGT. Le sigle renvoie à sa vie d’avant le Front, du temps où l’ouvrier territorial criait son amour pour Arlette Laguiller sur tous les toits, loin de s’imaginer qu’il rejoindrait bientôt un parti cofondé par un ancien Waffen-SS et un fantassin de l’OAS.
« Il a une animosité certaine envers notre syndicat », lâche Olivier, un ancien agent communal de la voirie hayangeoise. Ce militant CGT a distribué « un tract clairement anti-FN » à l’arrivée de Fabien Engelmann, en 2014, et payé l’affront de sa personne. Des mesures de déstabilisation l’ont visé et ont abouti, un an seulement après l’élection du nouveau maire, à une « mise au placard ». « On m’avait mis au service du ramassage des crottes de chien », se souvient l’ancien cadre avec amertume. Il en est convaincu, l’ordre venait du maire en personne. Aujourd’hui, il a obtenu sa mutation dans une autre commune, mais ses pensées n’ont pas tout à fait quitté Hayange. « Je suis parti, je revis, mais mes anciens collègues sont encore en souffrance », déplore-t-il, avant de décrire « une peur qui s’est installée très rapidement ».

C’est cette peur, mêlée à un harcèlement continu, qui a fait craquer Marlène. Le quotidien de l’employée municipale depuis deux décennies a basculé lorsqu’elle s’est inscrite sur la liste cégétiste lors des élections professionnelles de 2018. « Juste pour dépanner », dit-elle, le syndicat ayant de plus en plus de mal à trouver des agents qui osent afficher leur sympathie. Après ce ralliement, le changement d’ambiance est radical. Sa supérieure, en poste grâce à sa proximité avec le nouveau maire, cesse de lui dire bonjour.