En 2018, le duo PNL a repoussé les avances d’Universal Music France, qui avait pourtant posé 3 millions d’euros sur la table, selon mes informations. De quoi faire tourner les têtes de beaucoup d’artistes, mais pas celles des deux frères de la cité des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes (Essonne), qui n’ont pas beaucoup hésité avant de décider de rester indépendants avec leur propre label, QLF Records, distribué par le géant du numérique Believe. L’histoire n’a pas été beaucoup ébruitée depuis, encore moins la somme à sept chiffres proposée, mais elle est symboliquement importante : c’était l’une des premières fois à ce niveau de notoriété que les charmes sonnants et trébuchants d’une major n’opéraient plus dans le rap. Pire, explique un proche du dossier, « pour PNL, signer chez Universal, c’était trahir. C’était signer sur une major qui a trop maltraité les rappeurs en France. Ils ont vraiment conscience de ça ». C’était un point de non-retour qui venait effriter un peu plus un gros siècle de pratiques d’exploitation et de domination imposées aux « musiques noires » (lire l’épisode 2, « Musique : la couleur de l’argent »). Car désormais, le rap a conquis les moyens de se défendre et de résister à ce système, jusqu’à mettre en question le fonctionnement même d’une industrie beaucoup trop blanche dès que l’on atteint les étages où se prennent les grandes décisions.
Ça n’a pas été un chemin paisible, car la relation du rap avec l’industrie de la musique, symptomatique de son malaise dès qu’il s’agit de s’intéresser aux personnes noires ou arabes derrière les chiffres de vente, a été une succession de « Je t’aime, moi non plus ».