De Marseille
À Marseille, le foot fonce tombeau ouvert dans le mur, et bien naïfs ceux qui ricanent en se disant : « Ah, ces Marseillais ! Ils ne changeront pas… » Car le énième suicide en direct du plus grand club français au monde, en cours depuis samedi dernier, ressemble au cyprès qui cache la forêt. Annonce-t-il avec un peu d’avance l’agonie générale d’un système économique ? Possible, car la bulle du foot pourrait crever si les pertes potentielles de la Ligue 1 atteignent cette saison les sommets redoutés, au moins 800 millions d’euros, peut-être 1,3 milliard, selon la Ligue de football professionnel et la DNCG (direction nationale du contrôle de gestion), le gendarme financier du foot. À Marseille, on visualise la catastrophe en avant-première. Comme dit la devise officieuse du club, « À jamais les premiers ».
On s’explique : le foot français n’a plus d’essence, les droits télé ont fondu de moitié après la faillite de Mediapro et sous la pression de Canal+ qui les a récupérés à vil prix (lire l’épisode 151 de l’obsession L’empire). En plus, les stades sont vides à cause du Covid. Financièrement, les clubs jouent leur survie. Sportivement, l’OM est dans une mauvaise passe. Les supporters, eux, bouillonnent dans leur for intérieur. Où exprimer leur mécontentement ? Pas au Vélodrome mais à la Commanderie, pardi, où ils se sont retrouvés à plus de 300 samedi dernier. OK, une centaine ont dérapé, pénétré dans le centre d’entraînement et semé le waï. Y’a des dégâts matériels. Mais au moins, ils mouillent le maillot, pas comme ces joueurs qui faisaient de l’huile derrière leurs fenêtres.

Bon, on rigole (jaune), car le happening fichait la trouille. Dans ces déchaînements, le QI collectif ne vole pas plus haut qu’une passe à ras de terre, même si des esprits lucides ont refusé d’aller trop loin. Sur la feuille de match de la justice, ça a donné quatorze personnes présentées lundi dernier en comparution immédiate, dont huit placées en détention provisoire en attendant leur procès reporté au 24 février. L’enquête se poursuit pour déterminer s’il y a eu préméditation ou pas, et débusquer les éventuels organisateurs de ce que la direction a qualifié de « barbarie » (ce qui rime avec Jacques-Henri, on y vient).
L’opération a entraîné le report du match contre Rennes prévu le soir même, un traumatisme probable chez les pros et divers commentaires : il paraît que ce n’était pas de « vrais » supporters, selon le Prez’, Jacques-Henri Eyraud.