De Marseille
Ça y est, le Prez’ fonce ! Et il parle grec. C’est bien la preuve qu’il a compris Marseille, non ? Tels Gyptis et Prôtis fondant la ville, Jacques-Henri Eyraud a accosté son zodiac à boudins entre trois sacs plastique sur le Vieux-Port pour lancer lundi dernier son nouveau machin-truc : l’« Agora OM. » Quésaco ? Ce dernier avatar vise à contourner les groupes de supporters pour parler directement à ceux qui aiment l’OM, les vrais. « Créer et impulser un nouveau mode de supportérisme », fanfaronne Hugues Ouvrard, « head of business » du club (directeur général, en vieux français). Une « grande concertation » devrait démarrer début mars et, selon le communiqué officiel, il y sera question de « groupes de travail, de plateformes d’échange d’idées et d’appels à projets pour que direction et supporters s’unissent dans la définition du supportérisme ». But ultime : permettre « à tous les amoureux du foot et de l’OM, familles, enfants, de se réapproprier le terme de supporter pour que celui-ci ne soit plus capté par des bandes violentes ».
Voilà l’important : « bandes violentes ». « JHE » entend profiter des récents débordements au centre d’entraînement de la Commanderie (lire l’épisode 8, « Le dawa d’honneur des supporters marseillais ») pour se débarrasser de ces associations qui l’ont rebaptisé « Eyraud casse-toi ! » en rappelant son bilan aux allures de chichi tout mou (à l’orée du match de ce samedi contre Nantes, le club est seulement septième du championnat). Adepte du rasoir à deux lames, le Prez’ a fait envoyer le même jour une mise en demeure aux groupes de supporters, menaçant de retirer leur agrément au stade Vélodrome, ce qui revient à les empêcher d’exister. Jacques-Henri Eyraud a déjà évincé les Yankee en 2018 sans provoquer de réaction solidaire (lire l’épisode 18 de la saison 1, « Les Yankee supporters et le méchant président »), ça lui donne envie de récidiver. « Il a cet objectif depuis son arrivée, détruire les groupes de supporters, assure aux Jours Guillaume Barthélémy, porte-parole des Yankee. Labrune (l’ancien président, ndlr) a construit l’outil ; Eyraud l’utilise. Il crée un contexte de vexations pour que les gens s’énervent, puis saisit la justice et s’en sert pour annoncer qu’il résilie la convention. C’est un copier-coller de ce qu’il nous a fait. Il pense que les groupes sont minoritaires et sèment la terreur chez les supporters. Il a tort. »

Son initiative comporte une vision pseudo-politique qui interroge Guillaume Barthélémy : « Cet “Agora OM”, quel délire ! Comment imaginer que les supporters vont faire des “plans de travail” ? Le plan de travail, ce sont des copains qui prennent l’apéro au bar, puis peignent des bâches et vont au stade chanter ! Et sa “consultation” ? C’est l’école de la vie au quotidien ! » Le projet est « biaisé et faussé dès le début », assure Nicolas Hourcade, sociologue à l’École centrale de Lyon et spécialiste du supportérisme : « Tel qu’il est présenté, c’est l’Agora contre les clubs de supporters. Or on ne peut pas lancer une réflexion sur le supportérisme en écartant ceux qui animent le stade depuis les années 1980, qui font que le club suscite toujours autant de ferveur aujourd’hui. »