Pour rafraîchir les chambres de bonne qui bouillent sous les toits l’été, l’architecte Eytan Levi pense à recouvrir les toitures mansardées de Paris de terrasses végétalisées sur pilotis, à la façon vénitienne (lire l’épisode précédent, « Sous les toits parisiens, la canicule rend zinzinc »). Sara Gutsatz est plus radicale encore depuis ses fenêtres ouvertes sur le boulevard. « Dans un monde idéal, on rase tous les toits et on fait des jardins à la place », suggère cette mère de famille de 40 ans. Originaire du Vaucluse, elle sait très bien ce qu’il faut faire quand l’extrême chaleur arrive. Aux premières annonces météo, elle se prépare mentalement et compte les nuits qu’elle aura à tenir. Son appartement haussmannien du XIXe arrondissement se transforme en bunker, volets fermés et séparation des corps la nuit pour ne pas se tenir chaud. « Ces moments-là me rendent folle, la ville devient mon ennemie, alors que je l’adore ! », lâche-t-elle avec de grands gestes, sa chevelure bouclée s’agitant au-dessus de délicates montures de lunettes. Quand plus personne ne tient en place à la maison, elle plonge aussi parfois ses deux enfants dans une piscine gonflable clandestine à l’arrière-cour. Que faire d’autre quand il fait 40°C à l’ombre ?
C’est aussi à ce moment-là qu’elle arrête d’écouter les infos pour freiner la montée d’angoisse. « Mes deux enfants ont moins de 5 ans. La canicule, c’est comme le Covid : comment je fais pour leur en parler alors que ça leur paraît normal ? Comment leur expliquer que moi, j’avais des saisons et pas eux ? » Un été, la famille est partie en vacances à Munich, capitale de la Bavière peuplée d’un million et demi d’habitants. Qui se baignent en plein centre-ville dans l’Isar, un affluent du Danube, renaturalisé il y a une dizaine d’années. De quoi faire rêver ! Sara Gutsatz aimerait se mobiliser, mais comment faire contre cet ennemi invisible qu’est la canicule ? « On ne peut même pas manifester, on tomberait comme des mouches », sourit-elle. Que la ville soit sale, comme le marmonne parfois son père, elle s’en fiche bien. « Moi, je n’ai pas besoin que Paris soit impeccable, j’ai besoin de plus d’arbres et de moins de voitures. Pour les arbres, je n’essaie même pas, on va me dire que le trottoir est trop étroit ou que les feuilles vont tomber sur les rails du métro aérien… »
Sara Gutsatz a raison. Sans verdure, point de salut. La climatologue urbaine Cécile de Munck y a consacré sa thèse.