Du quartier des Gobelins, dans le Sud de Paris, où habite Pierre Bourguignon, ingénieur à la retraite qui rêve d’exploiter le frais de son sous-sol (lire l’épisode 4, « Scènes de clim à Paris »), s’il était possible de décoller en direction du nord-ouest, on survolerait la coupole de plomb du Panthéon, les échafaudages qui couvrent encore le clocher de Notre-Dame, les gros tuyaux qui rampent sur le centre Georges-Pompidou, l’Apollon et sa lyre dorée qui coiffent le palais de l’opéra Garnier et surtout une mer de toits de zinc qui font en partie la célébrité de la Ville Lumière. Ce matériau bleu gris recouvre plus de 100 000 toitures à Paris, soit près de 80 % d’entre elles, sur plus de 20 millions de mètres carrés. Il se transforme en plaque de cuisson à la première canicule venue et il n’existe pas de plan de bataille général contre cela.
Après six kilomètres à planer au-dessus de cet océan, on repérerait l’une des fenêtres d’un dernier étage qui donne sur le charmant petit square Carpeaux, près du cimetière de Montmartre, dans le XVIIIe arrondissement. Pour peu qu’elle soit entre-ouverte, on atterrirait non pas chez les Aristochats, mais chez Andréane Valot. La jeune femme de 28 ans partage avec les personnages du film de Walt Disney le privilège de jouir de cette vue au ras du zinc, où le regard porte loin, de gouttières en cheminées. Mais alors que le dessin animé se déroule dans le Paris de 1910, elle vit, comme ses voisins de « chambres de bonne », dans un monde globalement réchauffé de 1,1°C depuis l’ère préindustrielle. Dans le Paris des Aristochats, les « nuits tropicales », où le thermomètre ne descend pas sous les 20°C, l’un des marqueurs des vagues de chaleur intense, n’existent pour ainsi dire pas. Dans les années 1980, on en compte en moyenne trois par été. Aujourd’hui, c’est cinq. En 2030, il faudra miser sur dix-huit, en 2050 sur vingt et en 2085 sur trente-quatre. Plus d’un mois où le corps ne connaît pas de repos.
Je n’ai pas parlé d’écologie, pas d’enjeux politiques, par de “low tech”. La question n’était pas de lancer des grands mots mais de se demander comment faire pour organiser nous-mêmes notre habitat.
Déjà, jours et nuits estivaux dans un logement de 15 m2 sous les combles mal isolés de Paris se vivent en apnée. Et Andréane Valot, locataire de cette chambre meublée, n’a pas le temps d’attendre que les propriétaires daignent s’intéresser au mur qui la borde, au toit qui la coiffe et au zinc qui encadre son unique fenêtre. Il s’agit dans l’immédiat de ne pas se laisser cuire à l’étouffée par la répétition des canicules.