Elles ont beau avoir été nimbées de honte et de silence, étouffées des décennies durant par le culte du secret, les affaires de violences sexuelles au sein de l’Église ont laissé des traces tangibles. Des témoignages, des mentions dans les dossiers des prêtres, des lettres de familles de victimes, des correspondances entre prélats, des condamnations, comme autant de pièces de puzzle éparpillées à travers des centaines de diocèses et congrégations. Encore fallait-il que l’Église consente à les révéler. Depuis plus d’un an, des chercheurs en histoire et en sciences politiques ont pour mission de rassembler les morceaux. C’est l’un des volets du travail de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) : une plongée inédite dans les archives du catholicisme. Il s’agit de chiffrer aussi justement que possible les victimes et les agresseurs, depuis 1950 environ, et de comprendre le sort réservé à ces dossiers.
Une partie de cette mémoire est conservée à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), au Centre national des archives de l’Église de France (Cnaef). En temps normal, les universitaires peuvent demander à accéder par dérogation à la plupart des fonds, dont ceux des évêques de France depuis 1919. Selon un inventaire daté de 2015 et consultable en ligne, l’un de ces fonds semblait toutefois verrouillé à double tour : « pas de dérogation pour le moment », lisait-on à propos des 22 mètres d’archives du « Secours sacerdotal » ou « Entraide sacerdotale ».