En décembre dernier, lorsque nous avions rencontré le patron de l’Office de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) dans son bureau de Nanterre, il était plutôt content (lire l’épisode 14, « “Il y a une vraie charge mentale sur l’enquêteur financier” »). Thomas de Ricolfis venait d’apprendre le déblocage de 27 postes de policiers pour remplumer son service (80 enquêteurs actuellement) à la rentrée de septembre 2018. « C’est une très bonne nouvelle », se réjouissait le commissaire, avant de tempérer : « Si on arrive à trouver 27 candidats… » L’investigation financière n’attire pas les foules (lire l’épisode 2, « L’abattement des brigades du fric »). En ce mois d’avril, les entretiens d’embauche sont terminés et l’OCLCIFF n’a déniché qu’une quinzaine de nouvelles recrues, en majorité issues des commissariats de la région parisienne, mais aussi de la police aux frontières. Les futurs arrivants devront se familiariser avec les infractions préférées de l’Office (blanchiment, corruption, favoritisme, etc.), ses méthodes de travail et sa particulière exposition. Ce mardi, c’est dans les locaux de l’OCLCIFF que Vincent Bolloré a été placé en garde à vue (lire l’épisode 93 de L’empire).
Audrey Vandenbussche, 34 ans, a débarqué à Nanterre sans trop savoir « dans quoi [elle] allai[t] mettre les pieds ». C’était en septembre 2016. La gardienne de la paix de 34 ans, grande blonde aux cheveux bouclés, en poste à la section centrale de lutte contre la corruption, se décrit comme « un peu rentre-dedans ». D’habitude, c’est elle qui pose les questions. Mais aujourd’hui, installée dans le bureau d’un de ses collègues, elle raconte ses premiers pas dans ce service d’élite de l’investigation financière. Un peu méfiante sur l’exercice, elle a accepté de jouer le jeu, mais soupèse ses mots.
Fille de flic normand, Audrey Vandenbussche a « toujours voulu » entrer dans la police, judiciaire de préférence. En licence de droit, elle se découvre « une petite appétence » pour « le droit fiscal, les finances publiques et la compta ». Comme le concours de lieutenant lui résiste, elle entre à l’école de gardiens de la paix de Vannes. Sa carrière commence au commissariat d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Pendant huit ans, de petites affaires relativement simples – flagrants délits, accidents de la route et défauts de permis de conduire – lui apprennent « la polyvalence », mais elle plafonne.