C’était donc vrai, ce qui transpirait de ces dossiers maigrichons de meurtres anciens, de ces procédures à trous, de ces énigmes criminelles devenues éternelles à cause d’un travail bâclé. Elles étaient donc fondées, ces protestations de familles de victimes traumatisées, torturées par un sentiment d’abandon d’une institution policière et judiciaire leur fermant sa porte, leur balançant des non-lieux pour défaut d’élucidation. C’était donc vrai aussi que bien des enquêteurs de police judiciaire (PJ) ne savent pas rédiger un procès-verbal de constatations correct, ne sont pas versés dans la technique d’audition des suspects, n’ont qu’une connaissance approximative des ressources de la police scientifique, rangent mal leurs papiers dans les procédures…
Dans un livre tout juste paru, L’Obstiné, Raphaël Nedilko, 50 ans, enquêteur à la prestigieuse brigade criminelle de Paris (2000-2008) puis à la PJ de Dijon (2008-2016), met les pieds dans le plat, peut-être comme jamais auparavant dans cet univers corseté par le devoir de réserve et les ambitions. En filigrane de son récit rageur, il « détronche » tout le monde, comme on dit chez les flics. Il ose mettre sa hiérarchie devant son dévoiement, lui jeter au visage son obsession des résultats statistiques, son inhumanité, son inconséquence avec les crimes de sang.