Le 14 avril 1993, Muriel Théron, une adolescente de 17 ans scolarisée à Lyon, n’est pas rentrée chez elle. La suite a mis au jour le terrible sort qu’elle avait subi, celui d’environ 250 femmes chaque année actuellement dans le pays. Ce jour-là, elle quitte peu après midi le lycée Saint-Exupéry dans le quartier lyonnais de la Croix-Rousse où elle est en terminale, puis passe voir sa grand-mère qui habite le quartier. Lorsqu’elle part prendre son bus vers la banlieue de Lyon en contrebas, sur le quai de Saône, sa grand-mère lui déconseille de prendre un sentier prolongeant la rue Niepce qui fait office de raccourci pour descendre vers le fleuve, mais la jeune fille passe outre. Alertés par la famille, les policiers découvrent dans la soirée son cartable sur ce chemin, puis son corps dans les broussailles qui le bordent. Muriel a été en partie déshabillée, frappée violemment au visage, violée et étranglée avec son foulard. Le magistrat Jacques Dallest, alors jeune juge d’instruction, est saisi d’une information judiciaire et a immédiatement promis aux parents que tout serait mis en œuvre pour retrouver l’auteur du crime. Trente ans plus tard, on le cherche encore : le dossier vient d’être transmis au pôle « cold cases » de Nanterre. Une empreinte ADN du tueur, extraite de traces de sperme retrouvées sur le foulard, a été recueillie dans cette procédure et ce sera comme souvent le principal espoir, mais peut-être pas le seul. Ce dossier pose aussi des questions nouvelles et il sera peut-être l’occasion d’innover.
Aujourd’hui en retraite, Jacques Dallest dit avoir été marqué par ce meurtre brutal. Il en a parlé longuement dans un livre récent où, chose plutôt rare dans la magistrature, il fait son mea culpa d’avoir quitté Lyon en 1994 sans avoir reçu les parents de Muriel afin de les assurer de la poursuite de la procédure. Pendant l’année où il a conduit l’enquête, il y a eu beaucoup d’investigations infructueuses, notamment autour de la macabre scène de crime, considérée comme un repaire de marginaux et de toxicomanes. « C’était un endroit désert, qui serpentait sur les pentes de la Croix-Rousse jusqu’au quai, entouré d’une végétation très dense à l’époque, ce qui empêchait qu’on voie depuis le haut et qu’on entende ce qui pouvait s’y dérouler. Il est probable bien sûr que Muriel a hurlé, mais la végétation et la circulation sur le quai ont dû étouffer ses cris », raconte Jacques Dallest aux Jours.