Le 7 juillet 1989, Danièle Bernard, une infirmière psychiatrique de 39 ans mère de quatre enfants, est découverte nue allongée sur le divan de son salon, un tisonnier enfoncé dans le crâne, un tournevis dans le cœur et des blessures multiples sur tout le corps, certaines sans doute infligées post-mortem. Il y a de nombreuses traces de lutte dans le logement et des cheveux dans la main de la défunte, mais rien n’a été volé ni fouillé.
C’est une scène qui paraît dantesque dans cette France chabrolienne d’Auxerre, 35 000 habitants au sud de Paris, 35 monuments historiques classés, trois musées, des rues vides tôt dans la soirée. Personne ne se doute alors que trois tueurs en série ont fait simultanément de ce coin de France anonyme leur terrain de chasse. Une information judiciaire est ouverte. Un voisin déclare avoir entendu des cris stridents la veille au soir et on reconstitue l’emploi du temps de la défunte, rentrée chez elle en milieu d’après-midi. C’est une époque de quasi-préhistoire de l’enquête criminelle, sans l’ADN, sans l’informatique ni, bien sûr, les données des téléphones portables. Il n’existe pas de police scientifique, les enquêteurs en sont encore aux empreintes digitales, ils ont de vieilles fiches cartonnées sans aucune centralisation nationale. Le concept de tueur en série est réservé aux films américains, personne n’envisage que ce phénomène puisse exister en France. On se penche donc sur les pistes classiques : un dépit amoureux, une vengeance personnelle, une affaire d’argent. Ce sera une enquête criminelle à l’ancienne, qui godillera au fil de l’eau, sans direction véritable.
Danièle Bernard avait une riche vie amoureuse et elle est passée au crible. Il apparaît qu’un ex-amant devait venir chez elle le jour du meurtre, mais il affirme avoir renoncé au dernier moment. Après perquisition et vérification de son emploi du temps, cette piste est écartée une première fois. On examine ensuite sans succès l’hypothèse d’un différend avec un malade psychiatrique que l’infirmière côtoyait sur son lieu de travail. Ensuite, une voyante que Danièle Bernard consultait affirme aux enquêteurs qu’elle se disait harcelée depuis des semaines par les courriers anonymes et les appels téléphoniques d’un mystérieux prétendant. Danièle Bernard se disait aussi, selon la voyante, suivie par une voiture Audi grise conduite par un homme d’une cinquantaine d’années aux cheveux gris, portant des lunettes.