Vive l’inconscient politique des Français ! Il faut bien une explication après tout… Proposée à l’origine par le Front national, reprise par Nicolas Sarkozy et Les Républicains, soutenue finalement par le président de la République et son Premier ministre, plébiscitée dans tous les sondages des semaines entières (à plus de 80 %), la mesure, ô combien symbolique mais inconséquente, de la déchéance de la nationalité pour les binationaux passe donc à la trappe. Chapeau bas. Car avec une telle unanimité entre l’opinion publique et une écrasante majorité de ses représentants au Parlement, l’hypothèse de planter cette réforme relevait de l’irrationnel.
Voilà quatre mois et demi, lorsque François Hollande prononçait son discours de Versailles face au Congrès et au pays traumatisés par les attentats de novembre, un symbole fort avait émergé : celui d’une représentation nationale unie, debout pour l’applaudir, de l’extrême droite au PCF. La fameux mythe de « l’union nationale ». Dans son allocution, le chef de l’Etat proposait une réforme constitutionnelle relative aux pleins pouvoirs et à l’état de siège, tout en annonçant la déchéance de la nationalité pour les binationaux. Tous debout donc, et foin des principes, comme celui pourtant intangible en démocratie de la rupture d’égalité entre citoyens…
Les circonstances exceptionnelles sont un fantasme absolu d’hommes dits d’état. Elles sont supposées montrer de quelle farine ils sont constitués lorsque la grande Histoire vient rencontrer leur destin. Mais en 2016 (et depuis longtemps déjà), même lorsque survient un événement historique, plus personne ne fait de politique en s’extrayant des petits calculs honteux, des habiletés supposées, des trucs de communication. L’idée, toujours la même : profiter de la situation pour consolider son pouvoir. Pouvoir faible et déliquescent en l’occurrence. Ce réflexe est pathétique. Au delà du mépris qu’il révèle envers les citoyens, il finit par sauter aux yeux. Et abîme davantage encore la politique. Infernal engrenage qui abaisse les consciences et foule aux pieds des valeurs qui se révéleront en fait indépassables. Le plus drôle, si l’on ose dire, est de constater après plusieurs mois à quel point tout fut contre productif.