Au départ, elle trouvait que cela faisait un peu commercial
, un peu vendeur
. Se présenter à l’improviste au domicile des gens, insister pour qu’ils ouvrent la porte, accrocher leur regard, échanger quelques mots. Barbara Romagnan n’était pas forcément à l’aise avec le principe du porte à porte, un exercice devenu un classique des périodes électorales, et que certains élus pratiquent également en dehors des campagnes (lire l’épisode 9, « Le député et l’effet pavillons »). Dans sa voiture, une Peugeot, qui nous emmène au quartier Planoise où elle a prévu d’aller tracter, avant une réunion le soir-même, la députée socialiste du Doubs m’expose ses scrupules : Les gens réfléchissent avant de voter, non ? N’est-ce pas essayer de jouer sur la sympathie et donc sur autre chose que cette capacité de réflexion que de frapper à leur porte ?
En enchaînant les réunions dans les villages, le porte-à-porte, les rencontres, je me donne peut-être l’impression de l’action.
Barbara Romagnan a cette particularité : elle exprime à haute voix ses doutes. On peut suivre à la trace ses raisonnements dont elle ne dissimule aucun méandre. Elle poursuit, en filant sur la route : Et puis, on est tellement loin dans la défiance vis-à-vis des politiques, les liens sont tellement distendus, que je me dis que le contact simple, physique, direct est important. Ces personnes ne viennent pas aux réunions publiques, donc je vais au devant d’elles.
Elle ajoute avec honnêteté qu’elle y trouve aussi une motivation psychologique : En enchaînant les réunions dans les villages, le porte-à-porte, les rencontres, je me donne peut-être l’impression de l’action.

Pour l’aider à distribuer les tracts, elle retrouve deux jeunes militants socialistes, des habitués : Élise, devenue à 21 ans la plus jeune élue du conseil régional et Benjamin, responsable du MJS, ainsi qu’un lycéen de 17 ans, Léo, dont Barbara Romagnan est l’une des idoles
, et Samir, un trentenaire, pas encarté, qui était venu écouter le débat sur les primaires à Besançon que la député avait organisé et qui, depuis, lui a proposé plusieurs fois son aide. Ils s’éparpillent vers les grands immeubles de Planoise, qui compte 22 000 habitants, 85 % de logements sociaux et rassemble davantage qu’ailleurs une population jeune, pauvre et étrangère ou d’origine étrangère. Barbara Romagnan habite elle aussi à Planoise, dans un quartier situé un peu plus loin mais que l’on aperçoit par les fenêtres des étages élevés.
Dixième étage. Barbara Romagnan sonne. C’est ouvert.
Nous entrons. Denise ne peut plus se déplacer.