Ce sont des conjurés qui n’ont pas l’habitude des complots, des passionnés de politique dont ce n’est pas le métier, des hommes et des femmes de gauche qui désespèrent. Au départ, il n’y a pas eu de serment. Plutôt le refus de se laisser aller à une vaine désolation. Cela a commencé au cœur de l’été 2015, dans ce genre de conversation qui pourrait très bien ne jamais s’extraire de la torpeur de la saison. Daniel Cohn-Bendit se souvient qu’il se morfondait avec l’eurodéputé Europe Ecologie-Les Verts Yannick Jadot : Qu’est-ce qu’on va faire ? On va à la catastrophe, les candidatures sont ridicules…
Puis l’ancien leader étudiant de Mai 68 a rendu visite au sociologue Michel Wieviorka en vacances dans le Sud de la France. Et la même discussion a continué à rouler, dans la chaleur estivale. À la rentrée, les trois hommes se sont vus : On voulait faire un texte pour dire que la multiplication des candidats de gauche aurait une conséquence : nous n’aurions pas de candidat au second tour de l’élection présidentielle
, retrace Cohn-Bendit. À tout prix, il fallait éviter le désastre annoncé.
En tout, onze personnalités signent en décembre un appel à une « grande primaire des gauches et des écologistes ». Leur stratégie les conduit à s’adresser aux citoyens – principalement aux électeurs de gauche et à ses déçus –, à interpeller au-delà des partis pour mieux convaincre les appareils de s’associer à eux.
Un appel qui résonne avec la requête en justice de trois militants socialistes, et dont l’écho risque de hanter ce samedi le conseil national du PS (censé être le parlement du parti, il relève plus du conclave, à huis clos), qui doit se pencher sur la tenue d’une primaire. Ça tombe bien, c’est pile le moment où, aux Jours, on a eu envie de vous donner des nouvelles en plusieurs épisodes de cette initiative et du petit commando qui l’a imaginé.

Quand Michel Wieviorka a retracé la genèse de cette initiative devant un public de militants, davantage curieux que convaincus, mi-février à Besançon (lire l’épisode 7, « Besoin primaire de politique »), je l’ai entendu dire quelques mots simples et parlants. On n’en peut plus de ce système qui vient d’en haut et où tout dégringole. Avec une bande de copains, on a dit : “Ça suffit !”
Le phrasé sympathique a occasionné quelques sourires compatissants, mais personne n’y a décelé le déploiement d’une machine de guerre foudroyante.