Ils ne savaient pas du tout à quoi s’attendre. S’inquiétaient. Y aurait-il du monde ? Qui viendrait ? Pour la première réunion publique, les initiateurs de la primaire à gauche organisent un lancement à La Bellevilloise, une salle de concert parisienne du XXe arrondissement, début février. Ce soir-là, la salle est bondée. Chacun est invité à laisser 15 euros pour participer à la location. Les écologistes Cécile Duflot, Emmanuelle Cosse, les députés frondeurs PS Pascal Cherki, Laurent Baumel, Christian Paul, le porte-parole du PCF Olivier Dartigolles, sont là. « Il y avait une bonne présence des chefs, a apprécié Guillaume Duval, qui dirige la rédaction d’Alternatives économiques. C’était important, même si c’était aussi un peu ambigu. » La plupart ont été installés au premier rang. On s’écoute et on se tutoie. Grande silhouette plantée sur l’estrade, Yannick Jadot présente la primaire comme la perspective d’un espoir et d’une aventure
. Micro à la main, Thomas Piketty s’enthousiasme à son tour des 75 000 signatures qui ont rejoint l’appel, et surtout des gens qui écrivent qu’ils veulent organiser des débats dans toute la France. Ce soir-là, des meurtris de la gauche évaluent ensemble l’ampleur de la « trahison » de Hollande. D’autres veulent croire aux chances d’un renouvellement des idées et des personnes.

La plupart des organisateurs repartent de là « regonflés à bloc ». Daniel Cohn-Bendit nuance : À La Bellevilloise, ceux qui étaient là, on les connaissait tous. On a réussi à titiller quelque chose dans l’espace de gauche, mais on n’a pas débloqué une véritable mobilisation.
Lui ne participera plus à aucun autre débat. Les autres se relaient dans un tour de France improvisé.
Il y a des germes, une effervescence
, constate Michel Wieviorka, en déplacement à Besançon, quelques jours plus tard. Il parle devant plus de 400 personnes qui ratent alors un autre rendez-vous politique. Le soir même, à la même heure, François Hollande présente à la télévision le remaniement du gouvernement Valls 3. Julia Cagé est allée débattre à Lille et à Tours. À ce moment-là, j’y crois, je me dis qu’on va faire bouger les partis, avec une pression populaire, que ça fera bouger les lignes
, retrace-t-elle aujourd’hui. Elle se souvient de l’interpellation d’un homme dans le public : Merci, mais n’échouez pas.
Guillaume Duval se rend à Toulouse, Caen, Lyon, Nantes, Tours. Il croise des militants qui ont souvent été encartés et aussi, parfois, quelques jeunes.
À Lille et Grenoble, la romancière Marie Desplechin retrouve des gens avec qui elle se sent sur le même longueur d’onde
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