Voilà une colère rentrée et partagée en France par des millions de personnes. La politique ? Insupportable… Aucun résultat ! La politique ? Trahisons et mensonges perpétuels de personnages coincés par la rente des mandats et les logiques des partis. Du cynisme, des privilèges anachroniques. La politique ? Nombriliste et centrée sur ses « vedettes » quand six millions de personnes rament pour trouver du travail. La politique ? Impuissante. Trop désespérante, faites sans moi… La fameuse défiance.
La nouveauté, c’est que ce sentiment du pire qui se rapproche semble désormais partagé par les responsables politiques eux-mêmes. A haute voix (et à contre-cœur pour nombre d’entre eux), il a fallu admettre au lendemain des élections régionales de décembre 2015 que la cote d’alerte était atteinte. Qu’il fallait faire autrement
, impossible de continuer comme ça
. Ils l’ont dit, ils l’ont juré, à gauche comme à droite. Plus de 6,8 millions de bulletins FN sont tombés dans les urnes tandis que l’abstention atteignait à nouveau des sommets. Et depuis ? Pas grand chose. Mais des choses quand même. Celles que les Jours iront notamment scruter au contact de députés désireux d’exercer leur mandat « en conscience » pour renouer avec les citoyens, sans trahir leurs électeurs. Vœu pieu dans un monde où le plus cynique l’emporte souvent ?
Nous n’avons aucune envie de raconter la politique au travers des petites phrases, des couacs, des fausses confidences et polémiques bidons. Comme journalistes nous avons auparavant eu des expériences très différentes. L’un, en suivant la mairie de Paris et les affaires politico-financières du RPR, puis les présidences de Chirac et Sarkozy, a vu les plus hauts sommets de l’Etat, les manœuvres, les virtuoses de la tactique politicienne. L’autre a cherché à comprendre abstentionnistes, déçus de la politique et militants du Front National. A nous deux, nous avons envie et nous trouvons utile de raconter la politique un peu différemment, en suivant des députés, au jour le jour, pris entre les débats nationaux, les allégeances à leur parti, leur désir d’être réélu et leurs convictions. Nous observerons (avec leur accord) trois députés quadragénaires, candidats au renouvellement des pratiques : les socialistes Barbara Romagnan, et Olivier Faure, élus pour la première fois en 2012, ainsi que Franck Riester (Les Républicains), député de Seine-et-Marne. Comment exercent-ils leurs mandats, à Paris et dans leur circonscription ? Comment se forge la décision publique ? Quels sont les rouages politiques mais aussi personnels de leurs actions ?
Notre souhait de raconter « la politique en mieux » à l’échelon national ou local, ne nous empêchera pas d’analyser et de souligner ces multiples événements qui contribuent à éloigner les citoyens de la chose publique. L’affaire de la déchéance de la nationalité en est un, qui cumule à peu près tout : perte de repères, cynisme, démagogie, confusion et, au final, lassitude générale. C’est aussi un moment de l’histoire politique française où les élus, certains, ont tenté de ne pas céder sur leurs principes.
La désacralisation de la politique est à l’œuvre depuis des années. On s’en lamente tout autant qu’on se délecte de ricaner avec les humoristes ou le Petit Journal. Corsetés – ou confortés ? – par les très confortables institutions de la Ve République, les hauts dirigeants politiques continuent à infantiliser les électeurs avec des promesses intenables plutôt que de proposer une vision et des solutions atteignables. Trop de sondages pour gouverner, trop de réflexes technocratiques pour dissimuler la réalité, trop de lobbyisme dans les allées du pouvoir. Les résultats sont si faméliques qu’il faut les compenser par une rhétorique qui ne trompe plus personne. La tentative de retour de Nicolas Sarkozy comme l’échec de François Hollande sur l’emploi sont à cet égard pathétiques. Le renouvellement politique reste une gageure alors que la limitation du cumul des mandats dans le temps, la parité obligatoire au Parlement ou la proportionnelle, la mise en place d’une primaire ouverte, offriraient des solutions simples à mettre en œuvre. La transparence totale sur le salaire et les avantages des élus permettrait aussi de lever bien des malentendus dès lors qu’ils se consacreraient à plein temps et pour une durée déterminée à leur mandat.
Notre « défi » aux Jours sera de montrer qui transforme la politique et comment, pour retrouver la confiance des citoyens. Sans pour autant occulter ce qui se trame dans ses arrière-cuisines. Cette envie de croire et de s’emparer de la politique est peut-être aussi un peu la vôtre.