Robert Lincoln, le fils aîné de l’ancien président Abraham Lincoln assassiné, n’a vraiment pas de chance. Appelé en urgence au chevet de son père dans la nuit du 14 au 15 avril 1865, il le voit mourir au petit matin. Cette expérience traumatisante aurait dû en toute logique être la dernière. Et pourtant, seize ans plus tard, le 2 juillet 1881, Robert Lincoln, devenu secrétaire à la Guerre, voit sous ses yeux un autre président des États-Unis se faire tuer. James Garfield, qui avait fait du fils Lincoln son ministre, est abattu en pleine gare de Washington par Charles Guiteau, un illuminé religieux en manque de reconnaissance politique. L’anecdote à peine croyable est pourtant vraie : plus d’une décennie après l’assassinat de Lincoln qui avait traumatisé la nation états-unienne, un autre président, sans aucune surveillance ni protection, est tué par arme à feu dans un lieu public.
Le paradoxe n’est cependant qu’apparent. Après la mort d’Abraham Lincoln, les États-Unis ont retrouvé la paix civile, et le XIVe amendement de la Constitution, ratifié en 1868, garantit à tout habitant la citoyenneté et une égalité devant la loi. Même si les modalités de la reconstruction dans les États vaincus du Sud restent l’objet principal du débat politique dans les années 1870, la guerre de Sécession est renvoyée aux oubliettes comme une anomalie ayant entraîné des dérèglements exceptionnels