On tente de l’imaginer, ce gratte-papier qui remplissait et tenait à jour ces formulaires soigneux à en-tête de l’État islamique (EI), fiches d’enrôlement des combattants (avec lieux d’affectation, missions, qualifications militaires, niveau d’éducation, de connaissance religieuse, groupe sanguin, personne de recommandation, compétences professionnelles…), registre des soldes qu’on leur versait, notes de frais avec justificatifs, état civil (mariages, naissances), archives des hospitalisations, procès-verbaux de la police religieuse… On voudrait voir le moment où un tel rond-de-cuir de la terreur a ouvert son ordinateur, repris les fiches d’enrôlement des trois tueurs français du Bataclan, Samy Amimour, Foued Mohamed-Aggad et Ismaël Omar Mostefaï, et où il a renseigné, après le 13 novembre 2015, la rubrique « statut de la mort » avec le mot « kamikaze ».
Récupérées après les combats de 2015-2019 qui ont vu le démantèlement du quasi-État créé par l’EI, une partie de ces fiches ont été archivées par les États-Unis dans une vaste base de données installée en Jordanie. Comme d’autres pays qui recherchent des preuves judiciaires sur leur jihadistes, la France a ainsi obtenu des informations sur 500 Français et certaines d’entre elles ont été projetées mi-novembre sur l’écran de la cour d’assises spéciale de Paris où se tient le procès des attentats.