Un visage masqué, anonyme, distant et une posture fuyante : c’est l’image que l’Histoire retiendra de la Belgique à ce procès et pour l’éternité, avec l’aide des archives audiovisuelles. Le pays est de longue date en première ligne, puisque le commanditaire des attaques du 13 novembre 2015 Oussama Atar, le chef opérationnel des tueurs Abdelhamid Abaaoud, trois des huit autres assassins décédés, et onze des quatorze accusés présents sont des Belges ou des Français ayant passé toute leur vie en Belgique, comme Salah Abdeslam. Pour autant, la Belgique est-elle coupable de cette nuit sanglante ?
Avec cette question au-dessus de leurs têtes, les policiers belges ayant négocié un statut de témoin protégé ont choisi de laisser une image d’emblée dérangeante. Ils ont déposé anonymement et en visioconférence depuis Bruxelles, visages couverts de masques sanitaires, assis plusieurs mètres devant une caméra, entourés de magistrats qui faisaient figure de gardes-chiourmes. Par leurs non-réponses, ils ont laissé de surcroît laisser planer l’idée que leur pays avait quelque chose à se reprocher, à force d’agaçants éléments de langage. « Je ne peux pas répondre à cette question », « Je n’ai aucune information à ce propos », « C’est une question qu’il faudra aborder avec un autre enquêteur », « Je ne peux pas parler à la place d’un autre »… Dans un saisissant « effet Streisand », les autorités belges ont réussi au total à jeter une lumière éclatante sur des épisodes qui ont vu certains des futurs assassins passer en 2013-2015 au travers des mailles de leurs filets. Dans le registre très discutable des supposées « failles » françaises, belges ou internationales (lire l’épisode 6, « La théorie des “failles”, un procès dans le procès »), consistant à considérer tout crime comme une faute de l’État qui en est victime, ces récits-là laisseront une brûlure plus vive que tous les autres.
Il y a d’abord le cas d’Oussama Atar, exposé le 2 décembre avec la palme du plus grand embarras par l’enquêteur fédéral désigné sous le numéro de « 447.761.902 ». Né le 4 mai 1984 à Bruxelles, devenu chef des opérations extérieures de l’État islamique en 2013-2014, Atar a sans doute été tué par une frappe de drone américain le 17 novembre 2017 en Syrie, mais il est toutefois jugé par défaut à la cour d’assises, faute de certitude.