Fatima Hajji ne plie pas. Constante, devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, elle répète : « Avec tout ce que j’ai appris depuis, je vois que j’ai participé au système. Mais tout ce qui m’importait à l’époque, c’était de sauver mon fils. » Foued Mohamed-Aggad, l’un des trois kamikazes du Bataclan, était son enfant. Le 4 mars 2022, plus de six ans après le mortifère vendredi 13, Fatima Hajji était jugée pour « financement du terrorisme ». Le tribunal l’a condamnée à quatre ans de prison dont dix-huit mois ferme à effectuer sous bracelet électronique, ainsi qu’à s’acquitter de 2 500 euros d’amende. Comme d’autres membres de l’entourage des terroristes du 13 Novembre et des accusés au procès commencé en septembre dernier devant la cour d’assises spéciale de Paris, l’aide à domicile originaire de Wissembourg, dans le Bas-Rhin, a été emportée dans la vague judiciaire qui a suivi les attentats.
Quand Foued Mohamed-Aggad et son frère Karim quittent l’Alsace pour la Syrie, en décembre 2013, leur mère est démunie. Pendant plusieurs semaines, aucune nouvelle ne lui parvient. Une lettre lui a été laissée, mais elle dit ne pas l’avoir lue. « Je suis parti pour me sauver moi en premier, écrit Foued. Il n’y a plus d’avenir en France pour moi. Je ne veux plus vivre en soumis. Je vous aime. Ce n’est pas une lettre d’adieu, au contraire c’est une bonne nouvelle. Ne pose pas mille questions, maman. Tu me verras encore sur Skype. » En effet, quand Karim et six autres membres de la « filière de Strasbourg » rentrent en mai 2014, les contacts reprennent. Karim écope de neuf ans de prison. Fatima et Foued sont alors en contact quasiment tous les jours. Les messages qu’ils échangent montrent que le fils ne cache ni ses intentions ni ses actions à sa mère. Pourtant, devant le tribunal, elle lance : « Il ne me disait pas qu’il combattait. Il faisait des tours de garde. Il avait parlé de mourir en martyr mais aussi qu’il n’avait pas la force pour le faire. »

Très vite, le jeune homme quémande de l’argent. Fatima Hajji s’exécute. Entre octobre 2014 et août 2015, elle lui fait parvenir, par mandats Western Union, plus de 13 000 euros. Foued lui donne le nom et le contact de collecteurs de l’État islamique (EI) basés au Liban, elle réunit plusieurs centaines d’euros auprès de sa famille et charge une personne de son entourage d’envoyer le mandat. Si elle reconnaît en avoir été l’organisatrice, Fatima Hajji n’a quasiment jamais effectué les transferts en son nom.