«Salah Abdeslam a débuté son premier interrogatoire avec ces mots : “Par où commencer”. Et c’est vrai, par où commencer ? Surtout quand tout semble déjà avoir déjà été dit et déjà avoir été écrit. Mais je ne pense pas que ce soit le cas. » Martin Vettes, l’un des avocats de Salah Abdeslam, s’est adressé à la cour en ces termes, ce vendredi 24 juin qui concluait les plaidoiries de la défense : « Vous n’allez pas le juger seulement sur le dossier mais aussi sur le regard que vous portez sur lui. Une question vous a forcément traversé l’esprit : est-ce qu’un jour cet homme pourra revenir dans la société ou est-ce qu’il est définitivement perdu ? »
Neuf mois pour mûrir, se construire une vision claire d’un dossier titanesque. Pour les accusés, neuf mois d’écoute plus ou moins attentive pour alimenter une conscience en pleine ébullition. À l’aube d’un verdict extrêmement attendu par tous, chacun se pose inévitablement la question : que naîtra-t-il de ce procès historique ? Plus spécifiquement, qu’est-ce que cette audience hors normes a créé chez Salah Abdeslam ? Scruté, et sûrement bien conscient que tous les médias, là-dehors, sont pendus à ses lèvres, qu’a-t-il retenu de ces neuf mois ? Pour l’accusé le plus célèbre du procès des attentats du 13 Novembre, le 29 juin, jour du verdict, ne sera peut-être pas une délivrance, mais au moins la fin d’une construction qui le portera sinon jusqu’à une audience en appel, du moins au procès des attentats de Bruxelles, prévus dès octobre 2022.
Au début de ces neuf mois, le président de la cour d’assises, Jean-Louis Périès, a bien tenté de commencer par une question sur les parents de Salah Abdeslam. « Les noms de mon père et de ma mère n’ont rien à faire ici », s’était-il vu répondre, le 8 septembre 2021 (lire l’épisode 4, « “J’ai délaissé toute profession pour devenir combattant de l’État islamique” »). Pas plus de chance sur son parcours à lui. Et cet échange devenu culte entre les quatre murs de la « boîte à cauchemars » :
« Quelle est votre profession ?
J’ai délaissé toute profession pour devenir un combattant de l’État islamique.
Ah, moi j’avais noté “intérimaire” sur le dossier… »
Les premiers jours étaient difficiles. Salah Abdeslam était fuyant, tout de noir vêtu. Pourtant, on a vite senti sa volonté de parler. Raconter, après six ans passés à se taire, cloîtré dans une cellule surveillée nuit et jour. Il s’est voulu cinglant. Même derrière le masque d’alors, on devinait un sourire, le sixième jour :