On ne saisit plus très bien l’heure ni les jours qui défilent. Le procès des attentats du 13 novembre 2015 semble inscrit hors du temps, dans un rythme bien à lui que chacun commence seulement à apprivoiser. Rouge, vert, orange, noir. Chaque partie a son tour de cou attitré, son rôle délimité, sa manière de s’exprimer. Chez les avocats – robe noire, cordon noir –, les deux groupes sont bien distincts, se font face, adoptent des stratégies différentes. Ceux des parties civiles saisissent le micro, beaucoup. Après s’être présentés à tous, ils posent des questions allant souvent au-delà de la compétence du témoin. Ils remplissent le vide de paroles souvent laissé par la défense. Elle, écoute, prend note, rectifie l’erreur à l’occasion, mais reste discrète (lire l’épisode 5, « “Je ne défends pas une cause, je défends un homme” »).
Derrière, parmi les sans-cordon, un seul accusé a la parole facile. Avec ou sans sollicitation de la cour, Salah Abdeslam crache sa vérité, au visage de ceux qui, dans la salle et derrière la webradio – qui retransmet le débat pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent être présents –, lui vouent, si ce n’est une haine immense, un profond mépris. « On dit souvent de moi que je suis provocateur, mais loin de là ; je suis sincère », a-t-il voulu souligner. Les treize autres ne pipent mot ou presque, choisissent de se dédouaner, d’exprimer des regrets et excuses, décident d’attendre pour s’étendre en parole.